2016년 1월 18일 월요일

Armand de Pontmartin 3

Armand de Pontmartin 3


Les douze premières années de sa vie se passèrent en grande partie
aux Angles, avec un séjour de quelques mois chaque hiver à Avignon,
dans un appartement qui n’était plus celui de la rue Sainte-Praxède,
mais qui se trouvait rue Saint-Marc, dans l’hôtel du marquis de
Calvière[11], devenu quelques années plus tard la résidence des Pères
Jésuites. Armand de Pontmartin avait un vague souvenir des événements
de 1815, des efforts énergiques et couronnés de succès que fit son
père pour empêcher une bande de pêcheurs du Rhône, d’un royalisme trop
exalté, d’aller à la Vernède, à l’extrémité du territoire de la commune
des Angles, piller le château d’un général bonapartiste, le général
Gilly. Il se rappelait avec plus de précision cette lugubre soirée de
février 1820, où son père et un autre locataire de la maison Calvière,
ayant entendu circuler de sinistres rumeurs, se rendirent à la
préfecture et revinrent un quart d’heure après en disant: «Hélas! c’est
trop vrai! le duc de Berry est assassiné!» Quelques jours plus tard,
M. de Pontmartin se trouvait seul aux Angles; on lui envoya d’Avignon
une pauvre femme, presque une mendiante, qui lui dit ces simples mots:
«Cazes[12] n’est plus rien!» Dans son enthousiasme, il lui donna cinq
francs pour la récompenser d’avoir apporté une si bonne nouvelle, et
pourtant, il était d’un caractère modéré, il ne partageait aucune des
passions des _ultras_; mais il lui arrivait parfois, comme à beaucoup
d’honnêtes gens de ce temps-là, d’être plus royaliste que le roi.
Comment ne se serait-il pas réjoui de la chute de M. Decazes, puisque
ce ministre était la bête noire de tous les _blancs_ de 1820?
 
M. et M^{me} de Pontmartin allaient peu dans le monde, et presque
chaque soir, pendant une heure, on faisait une lecture à la table de
famille, le plus souvent dans _les Essais de morale_ de Nicole. A
certains jours, on s’humanisait un peu, et on lisait les _Oraisons
funèbres_ de Bossuet, Corneille, Racine, voire même _le Misanthrope_
et _les Femmes savantes_. Dans ce vieil hôtel de Calvière, d’une si
fière mine avec son escalier monumental, son portique d’ordre toscan,
ses moulures en pierre et ses panneaux de boiseries sculptées, avec ses
niches veuves de leurs statues, son bassin et sa fontaine _rocaille_,
habitait aussi M^{me} de Villelume, née de Sombreuil, l’héroïne des
massacres de Septembre. Son mari avait été envoyé à Avignon comme
gouverneur de la succursale des Invalides. Elle venait quelquefois
dîner chez M. de Pontmartin, et ces jours-là on ne servait sur la table
que du vin blanc[13]!
 
Les douze premières années d’Armand de Pontmartin, avant son départ
pour Paris, ne lui avaient laissé, à travers les visions confuses de
son enfance, que deux souvenirs bien distincts: la mission des _Pères
de la Foi_, ayant à leur tête le P. Guyon, dont la parole rappelait
celle du P. Bridaine, et le voyage de _MADAME_, duchesse d’Angoulême.
 
La mission des _Pères de la Foi_ est restée légendaire à Avignon.
Commencée le 28 février 1819, elle se termina le dimanche 28 avril
par la plantation d’une croix sur le rocher des Doms, au-dessous
duquel s’étagent la métropole et le palais des Papes et qui domine
un merveilleux panorama. La cérémonie fut belle entre toutes. Plus
de quarante mille étrangers étaient accourus de toute la contrée
d’alentour, et, sans le débordement de la Durance, le nombre en eût
été plus considérable encore[14]. Naturellement, les enfants n’avaient
pas été oubliés. Pontmartin, qui n’avait pas encore huit ans, était du
cortège. Il le décrira plus tard, avec un enthousiasme que soixante ans
écoulés n’avaient pu affaiblir[15].
 
Le récit du passage de la duchesse d’Angoulême a également trouvé
place dans les _Mémoires_[16]. L’auteur seulement a légèrement romancé
ce petit épisode; il l’a même, pour m’en tenir à ce seul point,
antidaté d’un an. Ce n’est pas en 1822, mais en 1823 que _MADAME_
visita nos provinces méridionales. C’était au moment de la guerre
d’Espagne. Pendant que le duc d’Angoulême était, de l’autre côté des
Pyrénées, à la tête de nos troupes, la princesse parcourait le midi de
la France, où le sentiment royaliste n’avait encore rien perdu de son
ardeur. Le 12 mai 1823,et non, comme le dit Pontmartin, le 27 avril
1822,elle se rendit de Nimes à Avignon. La route royale côtoyait les
Angles. Tous les habitants, villageois et châtelains, étaient à leur
poste, au bord de la route: au premier rang, M. de Pontmartin, qui
devait haranguer la fille de Louis XVI et qui jetait de temps en temps
les yeux sur son papier: à quelques pas en arrière, l’oncle Joseph,
tenant par la main son neveu, dont le cœur battait à se rompre.
 
Tout à coup, on aperçoit, au haut de la montée de Saze, un énorme
nuage de poussière, qui accourait d’un train effrayant: «C’est elle!
s’écrie-t-on; c’est la duchesse! c’est Madame!» Bientôt le nuage
s’éclaircit; un rayon de soleil le perce de part en part; on voit
briller les casques et les sabres de l’escorte: puis les harnais de
l’attelage et les chapeaux enrubannés des postillons. Deux calèches,
menées à quatre chevaux, passèrent devant les bonnes gens des Angles
sans s’arrêter. Inclinée à la portière, la duchesse salua d’un signe
de tête. «Vive le roi!» crièrent les paysans avec un ensemble digne
d’un meilleur sort. Au moment où ils allaient crier: «Vive Madame!» ils
s’aperçurent que les voitures avaient disparu. «Ce fut, dit Pontmartin,
ma première leçon de philosophie politique; depuis lors, j’en ai subi
de plus rudes.»
 
Son éducation, cependant, commencée de bonne heure, amoureusement
poussée et surveillée par les trois êtres dont il était l’affection
principale, s’annonçait comme devant être exceptionnellement brillante.
Dès qu’il eut huit ans, on lui donna un Virgile, et dans sa joie,
il ne voulut plus s’en séparer, ni jour ni nuit. Un professeur du
collège royal d’Avignon. M. Ract-Madoux, lui donnait des leçons.
Voyant qu’il en profitait si bien, on eut l’idée de lui faire faire
les mêmes compositions que les élèves de la classe de troisième.
Il fut premier dans toutes, il avait alors douze ans. Ses parents
jugèrent bientôt qu’il serait dommage de se contenter pour lui d’une
éducation provinciale. Encore bien qu’une telle combinaison fût un peu
au-dessus de ce que leur permettait leur fortune, ils se décidèrent à
quitter Avignon et les Angles pour aller s’établir à Paris. C’était au
mois d’octobre 1823, et Armand de Pontmartin venait d’entrer dans sa
treizième année.
 
 
 
 
CHAPITRE II
 
LES ANNÉES DE COLLÈGE
 
(1823-1829)
 
Le voyage d’Avignon à Paris en 1823. Au 37 de la rue de Vaugirard. Le
collège Saint-Louis. Le catéchisme de Saint-Thomas-d’Aquin et l’abbé
de La Bourdonnaye.MM. Roberge, Étienne Gros et Vendel-Heyl. _Vox
faucibus hæsit._M. Valette et M. Michelle. Le Concours général.
Sainte-Beuve et les vers latins.Le jardin du Luxembourg, le salon du
marquis de Cambis et le salon du docteur Double. _Le comte Ory._ Les
camarades de Saint-Louis. Emmanuel d’Alzon et Henri de Cambis.
 
 
I
 
On loua une voiture de poste, on coucha cinq fois en route et on
arriva à Paris dans la matinée du sixième jour, le 13 octobre. M.
de Pontmartin avait arrêté un appartement, rue de Vaugirard, au
second étage de la maison portant alors le numéro 37, plus tard 31,
aujourd’hui 21. Cette maison faisait le coin du jardin du Luxembourg,
presque en face de la rue du Pot-de-Fer[17]; trois de ses fenêtres
avaient vue sur le jardin.
 
En même temps que les Pontmartin, deux autres familles
méridionales,les Cambis et les d’Alzon, que des liens de parenté et
d’amitié unissaient aux châtelains des Angles,venaient également se
fixer à Paris et prendre gîte, comme eux, dans la rue de Vaugirard,
les d’Alzon au numéro 9, hôtel Crapelet; les Cambis, au numéro 18,
hôtel Boulay de la Meurthe. Le but des trois familles était le même:
l’éducation de leurs fils. Ces fils étaient au nombre de quatre: Henri
et Alfred de Cambis, Emmanuel d’Alzon, Armand de Pontmartin. On décida
qu’ils suivraient comme externes les classes de Saint-Louis. Ce collège
avait une petite porte à l’usage des externes, qui ouvrait sur la rue
Monsieur-le-Prince, presque en face de la rue de Vaugirard. Il n’y
aurait donc qu’un pas à faire pour conduire les enfants et les aller
chercher. Pas un seul instant les parents n’avaient songé à les mettre
internes. Ils se défiaient, non sans raison, de l’esprit qui régnait
alors dans les collèges de Paris.
 
Ce sera l’honneur de la Restauration d’avoir, au sortir de la
Révolution et de l’Empire, donné le signal de la renaissance religieuse
en même temps que de la renaissance littéraire. Aucune époque n’a été
plus féconde en œuvres catholiques; si la plupart n’ont acquis tout
leur développement et n’ont donné tous leurs fruits que plus tard, la
justice n’en commande pas moins de lui en reporter le principal mérite.
Sur un point seulement ses efforts restèrent complètement infructueux,
ses intentions et ses actes demeurèrent frappés de stérilité. Dans
son désir de réformer l’enseignement universitaire, le gouvernement
royal confia la direction de l’Instruction publique à un évêque.
Un prêtre, dont le zèle égalait le talent, l’abbé de Scorbiac, fut
investi des fonctions d’aumônier général de l’Université, avec mission
de visiter tour à tour tous les collèges de France et d’y donner des
retraites. Le soin le plus attentif fut apporté au choix des recteurs
et des proviseurs. Les aumôniers furent pris parmi les jeunes hommes
les plus distingués du clergé, et c’est ainsi, par exemple, que,
de 1822 à 1830, le collège Henri IV eut pour aumôniers l’abbé de
Salinis, l’abbé Gerbet et l’abbé Lacordaire. Mais c’est vainement que
l’on sème, si «les graines tombent sur un terrain pierreux et parmi
les épines qui croissent et les étouffent». Les professeurs, hommes
d’ailleurs instruits et d’une conduite privée irréprochable, étaient
presque tous imbus des doctrines philosophiques du XVIII^e siècle:
leurs élèves étaient, pour la plupart, _libéraux_ et voltairiens. «Un
jour, dit M. Armand de Melun dans ses _Mémoires_, pendant que nous
faisions notre philosophie[18] il nous prit fantaisie de discuter
entre nous l’existence de Dieu. C’était pendant l’étude. Nous eûmes la
délicatesse d’engager le surveillant à se retirer, pour nous laisser
une plus entière liberté et n’avoir pas à se compromettre lui-même.
La discussion fut vive et approfondie; et lorsqu’on passa au vote,
l’existence de Dieu obtint la majorité _d’une voix_! Je votai pour le
bon D                         

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