2016년 1월 18일 월요일

Armand de Pontmartin 4

Armand de Pontmartin 4



A Saint-Sulpice, Pontmartin aurait eu pour catéchistes son
cousin germain, le saint abbé Adalbert de Cambis, et un jeune
prêtre, déjà presque célèbre, qui s’appelait _l’abbé Dupanloup_. A
Saint-Thomas-d’Aquin, il fut presque aussi bien partagé. Le catéchiste
en titre était l’abbé de La Bourdonnaye, prêtre _fénelonien_, d’une
piété fervente, d’une éloquence pathétique, mais d’une santé délicate,
qui dépensait pour ses élèves les restes de ses forces et de sa vie.
Lorsqu’on lui apportait une tasse de bouillon, il leur disait avec
un sourire qui leur serrait le cœur: «Mes enfants! ne me regardez
pas! Ne m’imitez pas! Je vis comme un païen!» Il était secondé par
l’abbé Hamelin, qui devint plus tard curé de Sainte-Clotilde. Les
dimanches, Pontmartin et ses camarades de catéchisme avaient souvent
M^{gr} de Quélen et l’abbé Borderies, qui mourut évêque de Versailles;
quelquefois, l’abbé duc de Rohan, dont ils admiraient la suprême
élégance, les pieuses coquetteries de geste et de parole, la tenue
exquise, le rochet brodé de dentelles, le calice incrusté de saphirs et
d’opales.
 
Au même printemps de 1824 se rattache un épisode raconté au tome
IV des _Souvenirs d’un vieux critique_. Armand de Pontmartin et ses
parents allaient à la messe à la chapelle du couvent des Carmes,
situé à deux pas de leur demeure et occupé par des religieuses
carmélites[22]. Le dimanche 23 mai, en se rendant à l’église, il longea
le mur du jardin de l’hôtel d’Hinnisdal, qui formait l’angle de la
rue de Vaugirard et de la rue Cassette. Sur le trottoir, il vit un
jeune homme qui paraissait en proie à une agitation extraordinaire;
non loin de lui stationnait un fiacre. Un peu ému, Pontmartin alla
prendre dans la chapelle sa place accoutumée. Dans le chœur, à côté
du grillage où se plaçaient les religieuses, il y avait une porte. Au
moment où la messe allait finir, cette porte s’ouvrit et les assistants
virent sortir une Carmélite qui, après avoir regardé à droite et à
gauche, traversa rapidement l’église, comme si elle eût craint d’être
poursuivie. On ne la poursuivit pas. Lorsque la fugitive avait passé
près de lui en le frôlant de sa guimpe et de son voile, Pontmartin
avait eu peine à retenir un cri de stupeur. Il aperçut ses compagnes
pressées, comme des ombres, contre le grillage qu’il leur était
interdit de franchir. Il entendit un chuchotement vague, un susurrement
insaisissable, pareil à un souffle de brise expirant sur les bords
d’un lac. Puis plus rien, que ce qui reste d’une apparition ou d’une
hallucination! De cette vision de son enfance, il restera seulement à
l’élève de Saint-Louis un souvenir qui, après de longues années, lui
inspirera une Nouvelle[23] dont le prologue seul est exact.
 
 
II
 
Les vacances de 1824 se passèrent à Paris, les Angles étant trop loin
pour que l’on pût y revenir chaque année. En octobre 1824, Armand de
Pontmartin commença sa troisième sous un professeur, M. Étienne Gros,
qui était un helléniste remarquable. Sa santé toujours délicate fut
éprouvée à ce moment par une croissance excessive, et au printemps de
1825, ses parents le ramenèrent aux Angles. Quand vint l’été, on alla
passer six semaines aux bains de mer, à Marseille; mais l’oncle Joseph
n’y accompagna pas son frère et son neveu; aussi ce fut la grande année
de la correspondance en vers latins.
 
A la rentrée de 1825, complètement rétabli, il recommença sa troisième,
qu’il fit avec le plus grand succès. Aux vacances du jour de l’an 1826,
son père, pour ses étrennes, lui offrit le choix entre une tragédie
jouée par Talma et un spectacle du Cirque Olympique, l’_Incendie de
Salins_[24], qui attirait alors tout Paris. Hélas! il choisit le
Cirque. Talma mourut peu de temps après[25], si bien que, par sa faute,
Pontmartin, qui devait être un fanatique de théâtre, n’a jamais vu le
grand tragédien.
 
Il prit, du reste, sa revanche aux mois d’août et de septembre
1827, après son année de seconde, où, sous la direction d’un
excellent maître, M. Vendel-Heyl, il avait fait une ample moisson de
couronnes. Pour l’indemniser de ses vacances manquées (comme celles
de 1826, celles de 1827 se passèrent encore à Paris), ses parents
lui accordèrent cinq soirées théâtrales: à l’Opéra, _Moïse_; au
Théâtre-Français, M^{lle} Mars dans _les Femmes savantes_ et dans
_la Jeunesse de Henri V_; à l’Opéra-Comique, _la Dame Blanche_; au
théâtre de Madame, _le Mariage de raison_, joué par Léontine Fay,
Jenny Vertpré, Gontier, Ferville, Paul et Numa; et enfin, à la
Porte-Saint-Martin, le drame de _Trente ans ou la vie d’un joueur_,
où Frédérick Lemaître et M^{me} Dorval, par leur merveilleux talent,
faisaient illusion aux spectateurs sur la valeur réelle de la pièce de
Victor Ducange et Dinaux[26].
 
Dans la seconde série de ses _Mémoires_[27], Pontmartin a longuement
parlé d’un _accident_, dont il fut victime à cette date, et qui,
d’après lui, «a dominé toute sa vie, a décidé de sa carrière, a mêlé
une souffrance secrète, intime, à la fois chronique et aiguë, à tous
les épisodes, à tous les chagrins, à toutes les joies de son existence».
 
C’était le 12 septembre 1827, il était allé herboriser, avec deux ou
trois camarades de Saint-Louis, sur les coteaux de Bellevue et de la
Celle-Saint-Cloud; soudain il tomba en arrêtcomme Jean-Jacques devant
la pervenchedevant une jolie petite fleur bleue, dont il ignorait le
nom. Ce nom, il voulut le demander au plus savant de ses camarades;
mais ces derniers, pendant ses extases et ses rêveries contemplatives,
avaient pris les devants et étaient déjà loin. Alors il voulut crier...
_Vox faucibus hæsit!_ En quelques minutes, le timbre de sa voix avait
subi une altération inexplicable; ou plutôt cette voix sans timbre
passait incessamment d’une sorte d’extinction à des notes aiguës et
fausses, d’autant plus pénibles pour lui qu’il avait et qu’il eut
toujours l’oreille juste. «Ce n’est rien, c’est la _mue_!» lui dirent
ses camarades après l’avoir entendu.«C’est la _mue_!» dirent le soir
ses parents. Cette _mue_ devait durer toujours.
 
Devons-nous croire que vraiment cette défectuosité vocale «a dominé
toute sa vie», que cette voix fluette, si peu en rapport avec sa haute
taille, a été pour lui un martyre continu, la cause de tristesses
et de déceptions sans nombre; qu’elle l’a empêché de se présenter à
l’Académie, où plus d’une fois, en effet, il n’a dépendu que de lui
d’être élu[28]? Il lui a plu de le dire, un jour qu’il avait ses
nerfs, mais nous ne sommes pas obligés de le croire. Et d’abord, cette
prétendue aphonie était bien relative. Que de gens ont causé avec lui
sans jamais s’en apercevoir! Mais, réelle ou non, peut-être avait-elle
pu impressionner son imagination assez vivement pour produire ce
demi-désespoir dont il nous parle? Sans doute, mais c’est ce désespoir
que je nie. On le comprendrait à peine, si Pontmartin avait jamais
eu le désir d’aborder le barreau ou la tribune. A aucun moment de sa
vie, il n’y a songé. Sa seule ambition fut d’être un écrivain, et pour
réussir dans les lettres, point n’est besoin d’avoir une grosse voix,
_os magna sonaturum_. Le discours de réception à l’Académie? Mais,
franchement, se préoccupe-t-on trente ans d’avance d’une mauvaise
heure à passer, quand cette heure doit être unique? Et d’ailleurs, là
même, n’a-t-on pas la ressource de prétexter au dernier moment une
indisposition et de prier un Legouvé ou un Camille Doucet de lire à
votre place? Autre considération: quand un jeune homme est ou se croit
atteint d’une infirmité qui l’humilie, la première chose qu’il fait
d’instinct, c’est de fuir le monde, où il redoute la raillerie des
autres jeunes gens et plus encore celle des femmes. Or, nous savons,
par le témoignage de ses amis et par le sien propre, que personne plus
que lui n’y brilla, que nul n’y déploya plus de verve et de gaieté, et
cela précisément dans les années où il voudrait nous faire croire qu’il
vivait à l’écart, en proie à ses sombres pensées. Autre chose encore:
Pontmartin a siégé huit ans au Conseil général du Gard, et à coup sûr
il ne s’y est pas senti humilié et inférieur à ses collègues, qui
avaient peut-être plus d’_accent_ que lui, mais qui, toutes les fois
qu’il prenait la parole, l’écoutaient avec un plaisir sans mélange.
Une seule fois, je l’ai entendu parler de sa voix grêle, et c’était en
manière de plaisanterie, pour faire passer un de ces calembours dont il
était coutumier.
 
 
III
 
Au mois d’octobre 1827, il entra en rhétorique où il retrouva, comme
professeur de rhétorique latine, son professeur de seconde, M.
Vendel-Heyl. Le professeur de rhétorique française était M. Charles
Alexandre[29], plus tard membre de l’Institut, helléniste de premier
ordre et bon latiniste. Les deux professeurs d’histoire étaient
également deux hommes d’un réel talent, M. Dumont et M. Charles
Durozoir: le premier, auteur d’une bonne _Histoire romaine_, et le
second, collaborateur très actif de la _Biographie universelle_ de
Michaud.
 
Les vacances de 1828 procurèrent à Pontmartin une grande joie, le
retour aux Angles après trois ans d’absence.
 
En 1828-1829, il fit sa philosophie avec M. Valette pour professeur.
Afin de compléter et de rectifier au besoin les leçons du collège,
ses parents lui avaient donné pour répétiteur M. Michelle, lui-même
professeur de philosophie à Stanislas, fervent chrétien et membre de la
Congrégation.
 
Jusqu’à la fin, il avait été sans conteste l’élève le plus brillant
de Saint-Louis. Dans les années 1826, 1827, 1828 et 1829, le collège
Saint-Louis a remporté vingt prix au concours général. Armand de
Pontmartin en a eu, à lui seul, plus du tiers: deux en 1826, deux en
1827, deux en 1828, un en 1829. Il obtint, en troisième (1826), le
premier prix de vers latins et le second prix de version grecque:en
seconde (1827), le premier prix de narration latine et le second prix
de version latine;en rhétorique (1828), le premier prix de discours
français et le second prix de version latine; en philosophie (1829), le
second prix de dissertation latine. A ces sept prix se venaient ajouter
une douzaine d’accessits. Dix-neuf nominations au concours général,
le cas assurément était rare. Dans la bibliothèque de sa maison des
Angles, Pontmartin avait conservé ses volumes de prix; il y en a
cent soixante-quatre; cent un obtenus au collège, soixante-trois au
concours général. Au nombre de ces derniers, et parmi ceux qu’il a le
plus souvent feuilletés, je remarque les volumes de critique de l’abbé
de Féletz[30], de l’Académie française. Les maîtres de Pontmartin
prévoyaient-ils qu’un jour, avec plus d’esprit encore et avec un bien
autre éclat que le très spirituel abbé, il ferait à son tour des
Causeries littéraires, qui resteront les chefs-d’œuvre du genre?
 
Ses succès étaient d’autant plus remarquables que le _surmenage_

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