2016년 3월 31일 목요일

Miraculous Life_Pt.10 - Pulling Back the Curtain

Let There Be Light 18. [Death of Mockingjay]

AudioBible NIV 66 Revelation Dramatized New International Version ...

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Let There Be Light PT.15 [The Lying World of Money]

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Let There Be Light 18. [Death of Mockingjay]

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[6강] 분열왕국 시대(정복)~페르시아 시대(귀환)

2012년 성경공부 (구약 총정리 1/2편) - 김학진목사

예수님의 말씀 좀 들어 보세요.--요한 복음 전체 듣기 성경. (강추)

[SOSTV 성경 말씀] 34화 용서와 구원의 관계

Freemasons Revealed (MUST SEE).mp4

[설교말씀] 23. 주여 우리의 상처를 치유해 주소서 - 손계문 목사

2016년 3월 30일 수요일

justice de femme 25

justice de femme 25


Ce qu'il avait fait, Paulette ne le devinerait pas, même plus tard,
même en passant à son tour par des transes pareilles d'amour coupable,
de remords, puis de violente tendresse et de triomphante espérance.
Car on imagine toujours sa mère comme participant un peu à quelque
surhumaine sérénité dont les tentations n'approchent point.
 
Le fait est que Simone, déjà, préférait son petit Hugues, d'un
sentiment de maternité plus profonde, parce qu'elle avait eu Paulette
au milieu d'une foule d'autres joies, à dix-huit ans, alors que l'on
gâche du bonheur; tandis que ce fils, aujourd'hui, c'était pour elle
tout et mieux que tout: puisqu'il était la chose qu'on se met à chérir
autant que la vie à l'heure où l'on croyait que plus rien ne vaut la
peine de vivre.
 
* * * * *
 
Cependant Mervil, voyant approcher sa première représentation,
s'étonnait de ne pas apprendre le retour de Jean d'Espayrac.
 
Il n'est pas mon collaborateur cette fois, disait-il; mais c'est égal,
si je ne peux l'embrasser ce jour-là, j'aurai un vrai chagrin, et je
trouverai qu'il n'agit pas en bon camarade.
 
Les auteurs du scénario sur lequel avait travaillé le compositeur
s'appelaient Molière, Corneille et Quinault. Car, sous ce titre: _La
Douleur d'Éros_, c'était la _Psyché_ qu'il avait choisie pour y broder
sa partition,la seule pièce, comme on sait, que Molière n'ait pas
signée seul.
 
Une après-midi qu'il était à la répétition,la dernière avant la
répétition générale,Simone, tout à fait remise, mais un peu lasse,
et réservant ses forces pour le grand jour, brodait un petit tablier
destiné à Hugues, allongée sur une chaise longue dans son cabinet de
toilette. Elle se trouvait seule, car ses enfants étaient dehors avec
la nourrice et la gouvernante; et, comme elle n'avait pas repris «son
jour», elle n'attendait aucune visite.
 
Elle entendit le timbre de la porte extérieure; puis, bientôt, l'on
frappa chez elle. Le domestique parut, portant une carte sur un
plateau. Comme elle chuchotait: «Je n'y suis pas... pour personne!»
l'homme insista.
 
«Cette dame veut absolument...» Et Simone, prenant la carte, vit
sauter sous ses yeux comme un éclair, en une ligne de fine anglaise sur
l'ivoire du bristol:
 
_Madame Édouard Chambertier_.
 
Ah! dit-elle, c'est différent. J'y vais.
 
Elle n'avait pas vu Gisèle depuis huit mois,depuis ce quai de gare,
dans la petite ville du Midi, qui, brusquement, s'évoqua dans sa
pensée, avec le tas des malles au bord de la barrière, l'ombre dure des
eucalyptus, les rosiers grêles de la haie, et la silhouette de Jean,
le geste un peu rageur dont il lançait au loin sa cigarette au moment
de lui dire adieu.
 
Elle descendit l'escalier, sans savoir ce qu'elle éprouvait pour son
amie, ni ce qu'elle allait lui dire, mais avec la seule vision de cette
gare devant les yeux, et la vague déchirure au cœur d'une blessure à
demi guérie que l'on toucherait d'un doigt brutal.
 
«Mignonne!... Ma chérie!... Ma petite Simone!... Gisèle!...»
 
Ce fut une telle effusion de câlineries, de baisers, d'épithètes
mignardes, que chacune des jeunes femmes, dans la griserie et
l'entraînement de cette minute, ne distingua pas si elle cédait à sa
propre tendresse ou à la contagieuse tendresse de l'autre.
 
L'entrée du domestique les sépara. Il venait mettre une allumette au
feu du petit salon, car la chaleur du calorifère ne suffisait pas à
rendre hospitaliers des appartements tout assombris par la tristesse
de décembre. Tandis qu'il remuait le petit bois, donnait de l'air aux
bûches et relevait la plaque de la cheminée, les reproches aimables
commencèrent:
 
Pourquoi ne m'as-tu pas écrit plus souvent, méchante?
 
Comment?... Tu as laissé deux lettres de suite sans réponse.
 
Oui, c'est que tu m'envoyais quatre lignes quand je t'expédiais huit
pages.
 
En voyage, on ne peut pas... Nous ne restions pas en place. Tandis que
toi, sans rien à faire, à la campagne...
 
Sans rien à faire? dit Simone en riant. Tu appelles cela rien à faire,
un bébé à mettre en état de paraître dans le monde!
 
C'est vrai... Et moi qui ne te félicite pas!... Mais je lui ai envoyé
mes souhaits de bienvenue. Comment va-t-il, ce petit bonhomme?
 
Là-dessus, Gisèle embrassait de nouveau son amie, car, à pas discrets,
le domestique avait quitté la chambre.
 
Tu sais, dit Mme Chambertier, c'est à cause de _La Douleur d'Éros_, de
ton mari, que nous revenons avant Noël, sans cela nous serions restés
en Sicile jusqu'au milieu de janvier.
 
Elle commença le récit de ses pérégrinations à travers les villes
d'eau, les plages, les palais italiens, les ruines à la mode. Ensuite
elle questionna Simone sur la façon dont elle avait passé l'été, sur la
naissance du petit Hugues et sur les travaux de Roger.
 
Ça va être un succès fou, sa _Douleur d'Éros_, assura-t-elle. J'en ai
entendu parler partout. On attend cela comme une révélation.
 
Simone, tout en lui répondant, sentait croître en elle-même le
désir aigu, maladif, d'entendre son amie l'entretenir enfin de M.
d'Espayrac. Mais pour rien au monde elle n'eût, la première, prononcé
ce nom. Pourquoi Gisèle ne lui parlait-elle pas de cet ami commun, qui,
ouvertement, avait accompagné de ville en ville, et non pas sans que
l'on en causât, M. et Mme Chambertier? Simone devait-elle attribuer
cette réserve à une insurmontable gêne, et reconnaître dans cette gêne
la preuve d'une liaison entre Gisèle et Jean? Cette chose qu'elle ne
voulait pas voir, qu'elle ne voulait pas savoir, son amie allait-elle
lui en crever les yeux à force de maladresse? Ce n'était pourtant
pas la finesse ni la souplesse morales qui manquaient à cette belle
créature féline, à cette femme d'un charme si grand que Simone, malgré
ses soupçons, se sentait fondre pour elle d'une tendresse dissolvante
et douce. «Pauvre Gisèle! Après tout, elle ne sait pas que d'Espayrac
a été mon amant, l'amant de sa meilleure amie. Eh bien! Qu'elle le
prenne!... Qu'elle le garde!» songeait Simone. «Moi, j'ai mon fils.»
 
Pour le moment, l'orgueil de cette pensée suffisait à la soutenir.
Elle parvenait même à considérer sans un mouvement d'envie la toilette
savante et la beauté de Gisèle, dont l'harmonie formait un ensemble
d'irrésistible séduction. Évidemment, durant les derniers mois, Mme
Chambertier avait embelli encore, avait acquis une grâce nouvelle,
indéfinissable. Simone le constatait, sans découvrir si ce rayonnement
venait de l'__EXPRESSION__ adoucie des yeux, ou de la fierté du front, que
les cheveux plus relevés dégageaient davantage, ou de l'animation du
teint, ou peut-être d'on ne sait quel rayonnement de joie et de volupté
répandu sur toute sa personne.
 
Ces voyages t'ont fait du bien, remarqua Simone, comme la conversation
commençait à languir. Tu t'es amusée. Cela se voit. Jamais tu n'as eu
meilleure mine, jamais tu n'as été si ravissante.
 
Amusée?... Gisèle attrapa ce mot au vol, le répéta par deux fois avec
une intonation singulière. Puis elle regarda son amie et se tut.
 
Sous ce regard, Simone eut tout à coup une sensation horrible. Elle
pressentit que Gisèle allait lui faire une confidence, et, cette
confidence... elle la vit prendre forme,une forme distincte et
abominable,elle crut apercevoir Gisèle entre les bras de Jean. Malgré
ce qu'elle avait prévu, presque accepté, cela lui fit tant de mal,
qu'elle se recula et pâlit.
 
Amusée?... répétait encore Gisèle. Ce n'est pas le mot, va. Ah! ma
chérie, si tu savais!...
 
Non, non... murmura instinctivement Simone, avec la main étendue,
comme un enfant qui veut se préserver d'un coup.
 
Si tu savais! continua Gisèle, sans prendre garde ou sans attacher de
sens au geste de son amie.Ah! je suis si heureuse, si profondément,
si complètement heureuse! Je ne puis m'empêcher de te le dire, à toi.
Je me suis réjouie de te le dire. Tu es la seule créature au monde en
qui j'aie assez de confiance pour lui parler de _cela_. Et, vois-tu,
il faut que je t'en parle... Mon cœur déborde... Je n'imaginais
rien de pareil. Tu me blâmeras, toi, Simone. Mais moi, je n'ai pas
ce que tu as. Je n'ai pas un mari comme le tien; je n'ai pas tes
enfants... Puis... tiens! je l'avoue... ni mari, ni enfants, rien ne
m'arrêterait... C'est un amour plus fort que tout, meilleur que tout...
Quand on me tuerait, je n'y renoncerais pas... La tête sur le billot,
je ne m'en repentirais pas!...
 
Tu aimes donc?... Ah! dis-moi tout!... chuchota Simone, qu'une
affreuse curiosité soulevait brusquement de sa défaillance, et
emportait à présent au-dessus de toute autre sensation.
 
Alors Gisèle, blottie contre son épaule, les bras à sa taille, avec
ces mots d'ingénieuse pudeur dont les femmes savent user pour dire
clairement ce qui, dans la bouche d'un homme, deviendrait tout de suite
du plus cynique matérialisme, Gisèle lui raconta comment, depuis le
printemps dernier, elle était la maîtresse du beau Jean d'Espayrac.
 
Car il est beau, dit-elle. Non, mais as-tu bien remarqué comme il
est beau? Je crois que, depuis qu'il m'aime, il est devenu plus

justice de femme 24

justice de femme 24


Mervil, agité, nerveux dans le bonheur comme dans la peine, courait
du haut en bas de la maison, s'affairait, déraisonnait. Un de ses
premiers mots fut celui-ci:
 
Je vais envoyer un télégramme à d'Espayrac. Mon vieux Jean! Il nous
aime tant! Il sera si heureux!
 
Tu ne sais même pas, dit sa femme, dans quelle ville d'Italie il se
trouve en ce moment.
 
On fera suivre.
 
Eh! laisse donc, reprit-elle avec impatience. Est-ce qu'un jeune homme
comme lui s'intéresse à un nouveau-né?
 
Elle fut irritée qu'il lui rappelât ce nom. Car, après d'infinis
calculs, des réflexions pleines d'angoisse, elle avait décidé en
elle-même que Hugues ne pouvait être le fils de Jean. A ce torturant
travail, recommencé toujours, elle avait passé la plupart des heures,
étendue sur le long fauteuil d'osier, dehors, à l'ombre, dans le lourd
enchantement, la tiédeur et le silence des après-midi d'été. Paulette,
alors, se promenait, avec sa gouvernante, à travers le parc ou la
proche campagne, dans la petite voiture, dont les secousses désormais
étaient interdites à Simone. Par une fenêtre ouverte de la maison,
des mélodies sans cesse reprises, travaillées, changées, ou bien, au
contraire, triomphalement envolées d'un seul essor, s'échappaient de
la solitude studieuse où s'enfermait le musicien. La pensée de la
jeune femme parfois s'engourdissait à les entendre, ces mélodies
que l'espace affaiblissait, dispersait comme des lambeaux de songe,
épandait comme une vapeur d'harmonie sur l'immobilité des verdures
profondes. Une douceur l'enveloppait, lui caressait l'âme, douceur
venue du calme et de la beauté des choses, et venue aussi, à travers
l'inconsciente mémoire, de quelque insondable existence passée. Mais
une secousse la rappelait à elle-même; son cœur se crispait sous une
étreinte; et de nouveau la question surgissait: «L'enfant que je
porte... de qui est-il?» Alors une brume de tristesse et de honte
voilait la campagne ensoleillée; tout oscillait et chavirait dans une
ombre soudaine; et ce piano... ce piano qui chantait infatigablement
sous les doigts de Roger, prenait une telle voix d'ironie et de
reproche, que parfois Simone, dans un énervement affolé, collait, en
serrant les dents, les paumes de ses mains sur ses oreilles.
 
Mettre au monde un enfant sans savoir au juste quel est son père,
représentait aux yeux de Mme Mervil un tel excès de dégradation qu'elle
n'en imaginait point de pire pour une femme. Et elle en était là!...
De son fragile roman, dissipé comme un rêve, cette réalité abominable
lui restait! Comment ne l'avait-elle pas prévue?... C'est que, sa
fille ayant huit ans déjà sans qu'un second espoir de maternité se fût
offert à Simone, la jeune femme avait perdu l'habitude de songer,
pour elle-même, aux conséquences naturelles de l'amour. Si sa liaison
avec Jean avait duré, peut-être une triste et suprême prudence
fût-elle intervenue pour lui épargner au moins cette infamie d'offrir
à la tendresse de Mervil un enfant qui ne fût pas le sien. Mais tout
cela avait été si plein d'étonnement, si troublé, si court, d'une
rapidité de vertige!... Même quand une clairvoyance, par hasard, avait
ouvert les yeux de Simone, vite et volontairement elle avait refermé
les paupières, en se disant: «Voyons... ce serait une fatalité trop
extraordinaire... C'est impossible!» Et, pour mieux nier à elle-même
cette possibilité, qui, si incertaine pourtant, la gênait, la maîtresse
de M. d'Espayrac avait comme à plaisir brouillé dans sa mémoire les
dates de leurs si rares baisers.
 
* * * * *
 
Ces dates, elle les rechercha plus tard avec acharnement, durant les
heures paresseuses de sa grossesse. Tandis que son corps alourdi
simulait le plus insouciant repos, son esprit s'énervait à poursuivre,
sans la trouver, la solution du problème. Puis, un beau jour, elle eut
contre elle-même une révolte. N'était-elle pas folle de s'infliger
des tortures pareilles? Allait-elle se punir toute sa vie pour une
faute de quelques jours? Après tout, Roger l'avait trompée le premier.
C'était lui qui l'avait poussée dans les bras de Jean. Toutes les
femmes auraient fait comme elle; et toutes n'auraient pas eu l'énergie
de rompre ensuite, l'affreuse énergie qui l'avait soutenue durant
la visite aux ruines du château d'Hyères, parmi des scènes dont
l'évocation, surgie brusquement, la bouleversait.
 
Alors Simone admit comme définitive cette conclusion, dont la formule,
aux premiers jours déjà, lui était apparue: «Ce serait une fatalité
trop extraordinaire... C'est impossible!»
 
Quand elle vit son fils entre les bras de Roger, tout sentiment
d'inquiétude s'envola. Devant cette image matérielle, Simone ne douta
plus que ce cher petit Hugues n'appartînt à son mari. «Mon instinct
de mère ne me tromperait pas,» pensa-t-elle. Car elle prit pour une
irrécusable intuition l'intensité de son désir.
 
Ce fut le moment que choisit Mervil pour rappeler à sa femme le nom de
Jean d'Espayrac. Lorsqu'elle l'eut détourné d'envoyer à leur ami un
faire-part télégraphique de la naissance qui les rendait si heureux,
Roger se hâta de répondre avec une indulgente gaieté:
 
Tu as raison. Ce gaillard-là ne le mérite pas. Voilà six mois qu'on ne
l'a vu. Il nous donne à peine signe de vie. Je parie qu'il ne fait plus
de vers, qu'il ne travaille même plus. Et sais-tu à qui la faute?
 
Non, dit Simone toute pâlissante, car elle se demandait soudain si
leur rupture n'avait pas à ce point attristé, démoralisé le poète.
 
A ton amie Gisèle, parbleu! Je soupçonne qu'il en est amoureux, et
pour de bon, cette fois, lui, le volage. Notre papillon s'est brûlé les
ailes à cette flamme. Je crains qu'il ne s'envole plus de longtemps.
 
Qu'est-ce qui te fait penser cela? demanda Simone.
 
Mais, voyons, tu sais bien qu'il suit maintenant les Chambertier
partout. D'abord il les a rejoints à Hyères; puis ç'a été Saint-Moritz;
ensuite Trouville; maintenant c'est l'Italie. Et, sois-en sûre, nous ne
le reverrons pas à Paris avant qu'eux-mêmes soient de retour boulevard
Haussmann.
 
Ah! s'écria Simone avec vivacité, je ne comprends pas, Roger, que
tu portes ainsi des jugements en l'air, des jugements aussi graves.
Tu n'es pourtant pas mauvaise langue. Laisse donc ces cancans-là aux
femmes.
 
Son mari, craignant qu'elle ne s'agitât, voulut tourner la chose
en plaisanterie. Mais elle y revint deux fois dans la journée,
s'inquiétant s'il avait des soupçons sérieux, s'il avait entendu dire
quelque chose, et répétant avec irritation:
 
Oh! de la part de M. d'Espayrac, ce serait indigne!... Compromettre ma
meilleure amie!... Sachant comme nous sommes liées... Tu ne trouves
pas?... Écoute, s'il a fait une chose pareille, j'espère bien que tu
lui fermeras notre porte... que nous ne le reverrons jamais!
 
Eh! dit Roger, ne prends donc pas ceci au tragique. C'est une
flirtation, et voilà tout. Ta Gisèle est trop fine mouche pour
s'afficher et chercher le scandale.
 
Mais le musicien eut beau faire, il ne put atténuer l'effet de ses
paroles imprudentes. Vers le soir, la fièvre saisit violemment Simone.
Pendant deux jours elle fut très malade, et, vu son état, presque en
danger. «On dirait,» pensa Mervil, qui s'accusait amèrement, «on dirait
qu'elle a trop pris à cœur cette bêtise à propos de Jean et de Mme
Chambertier. Elle ne peut souffrir le moindre soupçon sur sa Gisèle.
Puis, elle est si pure, ma chère petite Simone, qu'à ses yeux ce serait
une turpitude abominable... Allons, je ne lui en dirai plus rien.»
 
Toutefois la conviction de Mervil était faite. Certains propos mondains
lui étaient parvenus qui, dans la réclusion récente de Simone,
n'avaient pas pénétré jusqu'à elle, et qu'il s'était gardé de lui
répéter. Puis il connaissait trop son d'Espayrac pour le croire capable
de prolonger auprès d'une femme une assiduité gratuite et sans espoir.
Même il se sentait fort ennuyé de cette aventure, non pas à cause de
son ami, mais en raison de l'intimité des deux jeunes femmes,cette
intimité qu'il n'avait pas su rompre à temps, malgré certaines
méfiances, et qui finirait, craignait-il, par porter tort à Simone.
 
Cependant la convalescence de Mme Mervil s'opéra très rapidement, car,
sous son apparence de blonde frêle, elle avait un sang vigoureux et
des organes souples et forts. Elle se trouva tout à fait remise en
décembre, au commencement de la saison mondaine.
 
Quel bonheur! disait-elle à son mari. J'assisterai donc à ta
«première».
 
Mervil, cette fin d'année, donnait, en effet, une nouvelle œuvre, et,
cette fois, à l'Opéra-Comique. Événement considérable dans la carrière
du compositeur. Tant qu'il avait travaillé à sa partition, ce but
encore incertain d'être joué sur la seconde scène lyrique de France
leur apparaissaità lui comme à Simonedans un tel éloignement, que
l'un et l'autre s'en désintéressaient un peu, en parlaient rarement,
ainsi que d'une chose irréalisable. Mais, depuis que le directeur
comptait tout haut sur cette pièce comme sur le morceau de résistance
de la saison, depuis que les répétitions étaient commencées, que les
journaux prédisaient le succès, se risquaient à des indiscrétions,
depuis que les _interviews_ se succédaient dans le petit hôtel de la
rue Ampère, une fièvre d'émotion et d'espoir soulevait le jeune ménage.
Simone elle-même vibrait des folles espérances et des non moins folles
anxiétés qui détraquent les pauvres cœurs en proie à l'hypertrophie
artistique. Jamais elle n'avait tant déliré ni tremblé pour une œuvre
de son mari. Quel étonnement pour elle qu'un tel réveil de sensations
dans son être engourdi durant des mois par le découragement de vivre!
Sa maternité nouvelle et son ambition d'épouse lui rendaient ce
qu'elle croyait à tout jamais perdu: le pouvoir d'aimer, de désirer,
de regarder vers l'avenir, et les grands tressaillements de joie qui
secouent la chair avec l'âme, et le goût du lendemain,ce goût qui ne
s'éteint jamais, bien qu'il paraisse quelquefois si complètement mourir.
 
C'est surtout près du                          

justice de femme 23

justice de femme 23


C'est qu'elle attend le médecin, qui doit venir ce matin de Paris.
 
Le médecin! Elle est donc malade?
 
La petite voix insolente de Paulette changeait subitement d'intonation,
s'adoucissait, puis se brisait d'un sanglot d'anxiété. Son visage
d'enfant pâlit. Mais l'Anglaise, touchée de cette sensibilité qu'elle
savait vibrante à l'excès, la rassura tout de suite:
 
Non, non, pas malade... fatiguée seulement. Vous savez bien comme elle
se plaignait, tous ces temps-ci, de lassitude.
 
Vous me jurez qu'elle n'est pas malade?
 
Et Paulette ouvrait plus grands ses yeux immenses pour qu'on n'osât pas
la tromper.
 
Elle n'est pas malade, mais elle le deviendra si vous êtes méchante,
si vous faites encore des folies comme ce matin.
 
La petite fille s'appuya contre ses oreillers, croisa ses mains, toutes
brunes et menues sur la blancheur du drap, et ne dit plus mot. Elle
demeura silencieuse et immobile ainsi durant un très long moment,
jusqu'à ce qu'elle entendît rouler une voiture, sur le gravier de
l'allée, devant la maison. Alors elle se mit à pleurer, mais sans
bruit, si bien que l'Anglaise, dans la pièce à côté, ne l'entendit
même pas. C'est que Paulette évoquait la blonde figure mince de sa
mère, avec les yeux gris si doux, dans lesquels dernièrement elle avait
surpris des larmes; avec la bouche fine qui, depuis peu, fléchissait
aux coins en un pli de tristesse; et l'enfant songeait que cette
figure, si jolie, n'avait plus du tout de couleurs. «Maman est très
malade, bien sûr, et on ne me l'a pas dit. Et hier encore je lui ai
fait une scène parce qu'elle voulait raccourcir mes cheveux. Oh! et
c'est la voiture qui est allée chercher le médecin à la gare... Mon
Dieu, faites que maman ne meure pas, et jamais, jamais, je ne me
mettrai plus en rage!»
 
* * * * *
 
La conférence dura longtemps entre le docteur et Mme Mervil. Roger n'y
fut pas admis. D'ailleurs la santé de sa femme ne lui paraissait point
assez troublée pour en concevoir de l'inquiétude. L'anémie de Simone,
causée probablement par un peu de surmenage mondain durant le dernier
hiver, commençait à céder dans la pure atmosphère de la campagne.
L'appétit revenait; le sommeil aussi. La surexcitation du système
nerveux s'atténuait, comme on pouvait le constater par la détente
du caractère. Toutefois Simone avait insisté pour que son médecin
l'examinât. Maintenant la visite s'achevait, le praticien rejoignit
Mervil, qui l'attendait sous la vérandah, fumant une cigarette, dans un
va-et-vient dépourvu d'impatience et d'anxiété.
 
Et bien, docteur... C'était l'imagination, n'est-ce pas? Vous lui avez
remonté le moral?
 
Oh! ce n'est pas grave, certainement, répliqua le médecinet il
souriait.Mais on a bien fait de m'appeler. Il faut un régime.
 
Des fortifiants, sans doute. Figurez-vous... elle ne peut pas
supporter la viande saignante.
 
J'ai dit à Mme Mervil tout ce qu'il faut qu'elle fasse. Et elle
m'obéira, soyez-en sûr.
 
Mais enfin, vous n'avez rien remarqué?
 
Mme Mervil vous donnera mon diagnostic. Il faut que je me sauve.
 
Comment! docteur, vous ne déjeunez pas avec nous?
 
Impossible, tout à fait impossible! Je regrette...
 
Le médecin montait dans la voiture.
 
Vous avez le temps, dit Roger, pour le train de onze heures.
 
Une poignée de mains. La voiture partit. Puis le médecin, se
retournant, cria encore:
 
Et la musique, cher maëstro? Nous préparez-vous encore des
chefs-d'œuvre?
 
* * * * *
 
Un peu préoccupé par le laconisme du docteur et par un certain air
drôle qu'il lui avait trouvé, Mervil, en quatre enjambées, escalada
l'étage. Il ouvrit la porte de leur chambre. Dans le grand lit de
milieu, Simone demeurait étendue. Les trois fenêtres, en face d'elle,
laissaient entrer, par leurs transparentes guipures, des couleurs,
des rayons, toute la joie de l'été. Celle du milieu restait même à
demi ouverte, et, par cette ouverture, les regards de Simone s'en
allaient au loin, vers un coin de l'espace où la vallée de la Seine
creusait un vide bleuâtre... Peut-être croyaient-ils se perdre, ces
regards de songe, parmi les longs horizons vibrants de lumière de la
Méditerranée... Il y avait de la tristesse et du souvenir dans leurs
prunelles.
 
Roger s'assit à côté d'elle, froissant la toile et la soie dans
l'abandon de tout son grand corps.
 
Eh bien, voyons?...
 
Comme elle ne parlait pas tout de suite, il glissa un bras autour
des fines épaules, qu'il sentit fermes et fraîches sous le linon de
la chemise. Et, les pressant d'une caresse, il dit, suivant sa façon
taquine de s'exprimer avec sa femme:
 
Est-ce bien grave?... Serai-je bientôt veuf?
 
Elle attacha sur lui des yeux profonds.
 
Non, mais tu seras bientôt père une seconde fois.
 
Il eut un sursaut. L'étonnement paralysait en lui toute autre sensation.
 
Simone ajouta:
 
Nous aurons un bébé... oui... dans cinq mois.
 
Quel moment pour une femme que la minute où, cet aveu sur les lèvres,
elle regarde le visage de son mari ou de son amant!... Celle-ci ne put
point douter du bonheur qu'elle causait. Nulle ombre, même passagère,
ne glissa sur les traits ou sur le cœur de Roger. Une seconde,
l'émotion le suffoqua; mais cette émotion, visiblement, était d'intense
joie. Puis il respira très fort, avec un court tremblement de tout son
être, saisit les deux mains de Simone, y colla ses lèvres, murmura:
 
Je suis heureux!... Je suis heureux!... Je suis heureux!...
 
Mon ami! dit-elle seulementmais avec une __EXPRESSION__ de tendresse
extraordinaire,mon ami!...
 
Comme il inclinait la tête en lui baisant encore les mains, elle prit
cette tête, elle l'appuya contre la douceur de sa gorge, sur les
dentelles de sa chemise, et, la touchant de son front, elle y laissa
tomber deux larmes, les deux plus atroces larmes de regret, de honte et
de doute, qui jamais aient mouillé des yeux d'épouse.
 
Oh! pourquoi pleures-tu? demanda Roger.
 
C'est parce que tu es si bon, et parce que je t'aime tant! dit-elle.
 
Mais, reprit-il, tu es contente? Dis, ma chérie, tu n'as pas peur?
 
Peur?...
 
Elle se mit à rire, avec un rire voulu, en secouant la tête, comme pour
écarter quelque arrière-pensée qui l'obsédait.
 
Rappelle-toi, reprit-elle, comme tout s'est bien passé pour Paulette.
 
Paulette!... Ah! mon Dieu! s'écria-t-il, je l'oubliais! Pauvre petit
loup, elle est en pénitence. Oui... tu ne sais pas... la gamine! elle
était montée sur le poney.
 
Et Mervil courut hors de la chambre, sautant presque, avec une
vivacité d'écolier. Deux minutes après, il rapportait sa fille, dont
la longue chemise de nuit pendait entre les bras du père, et qui riait
maintenant, les yeux mal séchés, sa petite poitrine encore secouée par
son récent désespoir.
 
Alors, dis, petite mère, c'est bien vrai que tu n'es pas malade, que
tu ne vas pas mourir?
 
Tous les trois s'embrassaient, roulés et enlacés sur le grand lit; le
père et la mère se faisant, par-dessus la tête de l'enfant, des signes
d'intelligence.
 
Papa, je te promets de ne plus monter sur le poney.
 
Si... tu y monteras, mais avec moi... Et je te commanderai une petite
selle.
 
Oh! papa!... Oh! papa!...
 
Elle battait des mains, gambadait sur le lit, toute mince et comique
dans la blancheur de sa longue chemise, avec l'envolement autour d'elle
de ses grands cheveux de soie brune.
 
Prends garde, tu vas faire mal à maman.
 
Dis-moi, Lélette, interrogea Simone, serais-tu contente si le bon Dieu
t'envoyait un petit frère... ou bien une petite sœur?
 
Paulette s'arrêta, un peu interloquée par la question. Elle n'avait pas
songé à cela, jamais. L'idée ne parut pas lui sourire.