2016년 3월 30일 수요일

justice de femme 12

justice de femme 12



Un coup de sifflet du train, les freins qui se serrent, les roues
qui crient... Et Jean et Simone se retrouvèrent assis l'un à côté
de l'autre, corrects en apparence, mais tremblants à entendre les
battements de leur cœur, et se meurtrissant encore les doigts d'une
étreinte violente et vivement dénouée.
 
Un vieux monsieur et une vieille dame montèrent. Le vieux monsieur
déploya son journal; mais la vieille dame dévisagea obstinément et
avec une rogue __EXPRESSION__ de blâme ce beau couple jeune,trop jeune et
trop beau pour ne pas être évidemment bien coupable aux yeux d'une si
vieille dame.
 
Simone se sentait rougir. Elle dit à Jean, tout bas:
 
Si quelqu'un de notre connaissance était monté, qu'aurions-nous dit?
 
Bah! fit d'Espayrac. Nous nous sommes rencontrés, voilà tout. Vous
allez à votre pouponnière. Moi je vais à Meudon voir le notaire d'un de
mes amis, à propos d'une maison de campagne qu'il a là-bas, et qu'il
veut faire vendre. Cet ami est au Tonkin.
 
Mais... la maison existe?... demanda naïvement Simone.
 
Comment, certes, elle existe! Et l'ami et le notaire, et même le
Tonkin, fit d'Espayrac avec son joyeux sourire. Vous la verrez, la
maison, si vous voulez. Nous la visiterons ensemble. Peut-être qu'elle
vous tentera. Je cherche un acquéreur.
 
Simone rougit plus fort.
 
Oh! pas aujourd'hui, je n'aurai pas le temps. Ma visite sera longue...
Vous savez, c'est moi qui fais tout à cette pouponnière. La directrice
de l'œuvre n'est là que pour son nom. Quant aux dames patronnesses,
chacune y va peut-être une fois par an...
 
Jean souriait de nouveau, à voir le petit air grave, entendu, de cette
frimousse blonde.
 
Comme je vous aime, oh! comme je vous aime!... prononça-t-il si bas
que Simone distingua le mouvement des mots sur ses lèvres plutôt
qu'elle n'en entendit le son.
 
Voyant, que, pour aujourd'hui, l'histoire de la maison ne prendrait
pas, bien qu'il eût réellement dans sa poche les clefs d'une villa
inoccupée, M. d'Espayrac proposa à Simone de le rejoindre au rond-point
de l'avenue Mélanie, en sortant de la pouponnière. Ils feraient un tour
dans les bois.
 
C'est si joli, si mélancolique, les bois en hiver, assura-t-il.
 
Soit, dit Simone, qui ajoutatoujours par sa tendance féminine à tout
expliquer en dehors de la raison sincère:Cela changera l'air que je
pourrai rapporter à la maison. J'ai toujours peur pour Paulette de
quelque contagion, quand je reviens de voir tous ces petits.
 
Une heure et demie plus tard, Jean et Simone marchaient lentement,
serrés l'un contre l'autre, et troublés jusqu'au fond de l'être, dans
la solitude infinie des bois, du crépuscule et de l'hiver. Un air vif
rosait leur visage, avivait la brûlure de leur sang. La tristesse des
taillis, les crêpes violets qui flottaient vers les profonds lointains,
les âpres senteurs des feuilles achevant de mourir par milliers dans
l'humidité du sol, prêtaient à la démence de leurs cœurs une atmosphère
de solennité qui les charmait. Derrière le lacis noir des branches, un
rouge soleil se couchait en des flaques et des éclaboussures de sang.
Le long des étroits sentiers, nul bruit ne se faisait entendre, hors
parfois le cri d'une corneille ou la fuite lourde d'un crapaud parmi
les ramilles desséchées des bruyères.
 
Jean et Simone avançaient à petits pas, ne trouvant que peu de chose
à se dire. Pour la première fois, Mme Mervil pressentait que non
seulement la chute était inévitable, mais que cette chute était
le nœud suprême de son fragile roman, et qu'au delà il n'y aurait
rien. Seule avec cet homme qu'un instant elle avait cru aimer, elle
s'apercevait, non sans un secret malaise, que rien de son âme n'irait
spontanément à lui, et que rien de la sienne, à lui, ne viendrait
spontanément à elle, par ces mille phrases si faciles à ceux qui
pensent en commun. Tous deux ne prononçaient que des banalités
semblables à celles qu'ils échangeaient en leurs visites chez des
tiers. Même ils se sentaient moins familiers ensemble que lorsque, à
table avec Roger, tous trois causaient d'art ou ébauchaient des projets
de pièces. Car, en effet, cette demi-intimité de tous les jours n'ayant
sa raison d'être que dans les travaux et la personnalité du mari,
devenait une gêne plutôt qu'un lien dans leur tête-à-tête amoureux.
Leur délicatesse, à l'un et à l'autre, les retenait d'aborder les
sujets qui eussent évoqué trop distinctement l'image de l'époux et
de l'ami trompé. Or tous ceux par lesquels, jusqu'ici, leurs esprits
s'étaient rencontrés, ne leur venaient que par Mervil. En dehors de
lui, ils ne se connaissaient plus. Avec étonnement ils se constataient
étrangers l'un pour l'autre. Simone seule en conçut une impression
de souffrance, un effroi devant l'inconnu de cette âme d'homme, qui,
peut-être, aurait désormais le pouvoir de la rendre affreusement
malheureuse.
 
«Il est bien jeune!» songeait-elle. «A-t-il eu déjà beaucoup de
maîtresses?... Que pense-t-il de moi? Ah! si je n'allais être pour lui
qu'un caprice!...»
 
Cette femme qui, tout à l'heure, se suggérait en vain des remords,
commençait à se sentir le cœur piqué par la pointe du premier regret.
 
Mais Jean la serrait à présent plus étroitement contre lui. Puis, tout
à coup, il l'entraîna dans la direction de Meudon, marchant si vite que
Simone dut demander grâce.
 
Où allez-vous donc? dit-elle. Craignez-vous que nous manquions le
train?
 
Alors il la supplia de venir voir cette maison dont il lui avait parlé.
C'était une villa tout à fait à l'écart. Il en avait toutes les clefs;
il la ferait entrer par la petite porte du jardin; le concierge ne la
verrait pas.
 
Simone se révolta, elle dit non pour aujourd'hui, non pour toujours.
Oh! jamais... Puis, devant le désespoir de Jean, elle finit par le
supplier d'être raisonnable, de considérer combien il était tard...
Près de six heures! Il faisait tout à fait noir maintenant. Même en se
dépêchant, elle ne serait pas de retour avant sept heures et demie.
 
Eh bien, alors, la prochaine fois?... dit-il. Promettez-moi! Si vous
saviez comme je serai sage! Nous causerons, comme ici... Seulement
vous ne serez pas exposée à l'humidité de ces bois, au hasard d'une
rencontre.
 
Mais, dit Simone, cette maison n'est pas à vous.
 
Oh! c'est tout comme, s'écria d'Espayrac. Et il y a une petite pièce
gentille, que je ferai arranger exprès pour nous. Il y aura des fleurs,
et un grand feu. Ce sera plus gai qu'ici, voyez-vous, ajouta-t-il en
jetant un coup d'œil en arrière vers la nuit lugubre de la forêt.Et il
y aura les bonbons que vous aimez... Ce sera si gentil! nous ferons la
dînette.
 
Il riait, en la câlinant, de ce beau rire sensuel et doux, qui mettait
tant de séduction sur sa bouche et dans ses yeux, et qui, lorsqu'il
éclatait en fanfares de gaieté, sonnait si contagieux et si clair.
«Si les oiseaux riaient,» disait quelquefois Mervil, «ils riraient
comme d'Espayrac.» Le musicien s'était même amusé à noter, dans un ton
mineur, la mélodie de ce rire, pour en faire un _leit-motiv_ à la scène
de la récréation, dans le collège de jeunes filles emprunté à Tennyson
par le _Roman de la Princesse_.
 
Depuis, quand d'Espayrac riait, les trilles des compagnes d'_Ida_
chantaient dans la mémoire de Simone, et elle fredonnait l'air à
l'unisson. Elle ne put s'empêcher de le faire encore ce soir, captivée
de nouveau par ce côté d'insouciance et d'espièglerie dans la faute,
qui semblait mettre en liberté sa jeunesse, et qui donnait, à cette
correcte mondaine mariée à un homme grave, des envies de bondir,
de sauter, de jouer à courir et de faire des niches. Déjà, elle ne
refusait plus que pour la forme et par un suprême instinct de pudeur le
rendez-vous que lui proposait Jean. Eût-elle été moins entraînée vers
la personne de M. d'Espayrac, que l'effrayante et délicieuse séduction
de cette chosele premier rendez-vous pour une femme honnêteeût
irrésistiblement tenté sa curiosité de fille d'Ève. Se dire plus
tard, au théâtre, devant les scènes scabreuses, ou bien au passage
le plus passionné d'un roman: «Moi aussi, j'ai eu un rendez-vous,»
et dissimuler sous l'éventail ou le mouchoir un énigmatique sourire;
mettre dans sa vie un troublant souvenir, qui suffiraitcroyait-elleà
satisfaire ce chatouillant besoin de romanesque dont la littérature,
à Paris plus que partout ailleurs, irrite le cœur des femmes,voilà
les inconscients ressorts qui, parmi les mille contingences d'une
irréparable démarche, n'étaient pas les moins actifs ni les moins
déterminants.
 
«Après tout,» pensait Simone, «peut-être parle-t-il avec sincérité
quand il me promet une soumission absolue. Peut-être, en le raisonnant,
lui ferai-je admettre la supériorité d'un amour qui ne dépasserait pas
les baisers sur les lèvres. Non, certes, ce n'est point pour me donner
à lui que j'irai le voir dans cette chambre, où ce sera si amusant
de bavarder au coin du feu, et de le gronder très fort s'il devient
entreprenant. Puisque je n'ai pas l'intention de mal faire, pourquoi
n'irais-je pas? D'ailleurs que penserait-il de moi si je lui cédais
si vite? Je suis bien sûre que cette considération me rendra féroce,
m'empêchera de m'attendrir. Je ne sais pas si je lui appartiendrai
jamais complètement. J'en doute fort. Mais ce dont je suis tout à fait
sûre, par exemple, c'est que je le ferai languir longtemps.»
 
Alors vous viendrez, Simone? Vous me le jurez, répétait Jean d'une
voix tremblante. Oh! je ne sais pas ce que je ferais si vous me donniez

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