2016년 3월 30일 수요일

justice de femme 11

justice de femme 11


Allumez dans le petit salon pour M. d'Espayrac, cria Simone, en
s'élançant dans l'escalier vers la chambre de sa fille.
 
C'est inutile, dit d'Espayrac au valet de chambre. J'attends seulement
des nouvelles, et je repars tout de suite.
 
Un instant après, Mervil descendait vers son ami.
 
Eh bien?... demanda le poète, un peu gêné de sentir combien il aimait
toujours cet homme dont il allait prendre la femme.
 
Rien, rien du tout, heureusement, dit le compositeur, du moins rien de
ce que je craignais.
 
Qu'est-ce que tu pensais donc?
 
Ah! mon cher, si tu savais! Le croup, rien que cela... J'ai eu une
peur! Elle se plaignait d'une gêne dans la gorge...
 
Est-ce qu'elle n'a pas passé l'âge du croup? Elle a huit ans, Paulette.
 
Il n'y a pas d'âge. On l'attrape toujours. Ah! puis, tu sais, quand
on a peur... Mais j'oublie de te remercier... Tu as lâché ton bal pour
ramener Simone, tu es accouru tout de suite... C'est gentil comme tout
de ta part! Et je suis sûr que tu nous as sacrifié quelque flirtation.
 
Mais non, mais non, dit Jean, qui se sentit rougir. C'était tout
naturel. Allons, eh bien, mon vieux, j'espère que ça ira bien. A un de
ces jours. Au revoir.
 
* * * * *
 
Quand Mervil remonta, il fut surpris de trouver Paulette en larmes,
et Simone, qui, debout près du petit lit, toute droite et très pâle,
regardait pleurer l'enfant sans essayer de la consoler.
 
Mais qu'est-ce qu'elle a? dit-il. Elle va se faire du mal. Qu'est-ce
que tu lui as dit?
 
Moi?... Rien, fit Simone d'un air sombre. Tu as bien vu tout à l'heure
qu'elle a fondu en larmes dès que je suis entrée.
 
Comment! elle pleure ainsi depuis ce moment-là? Mais qu'est-ce que
cela veut dire? Qu'est-ce que tu as, ma petite Paulette? Voyons, dis-le
à ton petit père?...
 
Mervil se penchait sur le lit, entourait de ses bras le buste de sa
fillette, écartait les menottes qui s'obstinaient devant le visage
fiévreux, devant les yeux rougis.
 
Qu'est-ce que tu as, ma mignonne? Souffres-tu?
 
Elle n'a pas voulu me répondre, dit Simone avec des lèvres qui se
convulsaient d'effroi et de chagrin.
 
Pourquoi, dit le père, n'as-tu pas voulu répondre à ta petite maman?
 
L'enfant, d'un ton farouche et bas, prononça:
 
Elle ne m'aime plus. Depuis ce soir, elle ne m'aime plus.
 
Oh! Paulette... murmura la mère.
 
Et, croyant distinguer dans les paroles de sa fille un pressentiment,
un avertissement, une leçon, Simone, la chair encore tout affolée des
caresses de Jean, le cœur déchiré de tristesse, se mit à genoux près
du petit lit de Paulette, et, à son tour, pleura comme elle, à grands
sanglots enfantins, avec cette plainte si spontanée des femmes: «Oh!
que je voudrais donc mourir!...»
 
Un instant après, toutes deux, rapprochées par le père, mêlaient leurs
baisers et leurs larmes. Et Paulette, murmurant alors son chagrin
d'enfant jalouse, trop sensible, disait à l'oreille de Simone:
 
Tu n'iras plus danser quand je serai malade? Tu n'aimeras personne,
jamais, plus que moi?... Bien vrai, dis, personne?...
 
Non, non... balbutiait la mère.
 
Alors Roger mêlait leurs mains dans les siennes, les embrassait
ensemble... Tandis que, dans l'océan de détresse où chavirait et
s'enfonçait la frêle petite âme instinctive de Simone, parmi le dégoût
d'elle-même, la crainte superstitieuse, le remords, la tendresse
vraie pour ces deux êtres,son mari, sa fille,surgissait en elle un
sentiment qu'elle ne s'avouait pas, mais qui cependant dominait tous
les autres: la joie d'avoir été tenue dans les bras de Jean d'Espayrac,
de l'avoir entendu gémir d'amour, d'avoir senti contre sa bouche cette
bouche qui était celle de Jean, d'avoir meurtri son cœur sur ce cœur
d'homme. Et la pensée qu'elle avait commis une effrayante chose lui
faisait paraître son péché plus délicieux encore.
 
«Mais,» se disait-elle, «pour moins que cela je mépriserais une autre
femme, je verrais en elle un monstre... Est-ce moi? Est-ce moi?...
Est-ce possible?»
 
Elle ne se reconnaissait pas.
 
 
 
 
VII
 
 
La sensation véritablement inouïe qui avait failli faire évanouir
Simone sur la poitrine de Jean la première fois qu'il l'avait prise
dans ses bras et qu'il lui avait baisé les lèvres, ne devait jamais
plus soulever l'âme de la jeune femme à de pareilles hauteurs
d'extase. Elle ne devait plus connaître, du moins à un tel paroxysme
d'intensité, cette angoissante joie. Plus tard, toutes les fois qu'ils
s'étreignirent, la mémoire dut jouer son rôle, et Simone, pour se
griser tout à fait, eut besoin de faire surgir dans sa chair et dans
son cœur la réminiscence de cette unique minute. Les femmes chez qui
l'imagination est plus puissante que les sens et plus active que la
tendresse ont de ces déboires en amour. Elles se donnent dans un
moment d'incomparable exaltation, et toutes les réalités ensuite leur
semblent pâles auprès de cette heure d'éblouissement qui ne peut pas se
prolonger, et qui ne saurait revenir.
 
La seconde fois que Simone Mervil revit M. d'Espayrac en tête-à-tête,
ce fut encore presque involontairement. Elle se refusait toujours à
un rendez-vous précis, que, cependant, la fièvre de son souvenir lui
faisait ardemment désirer. Mais elle ne put s'empêcher de lui donner à
entendre qu'elle allait souvent seule à Bellevue, visiter un asile de
petits enfantsce qu'elle appelait une _pouponnière_œuvre de charité
dont elle était sous-directrice. «Je prends le train de Ceinture,
tout près de chez moi, à Courcelles, et je change à la station
d'Ouest-Ceinture.»
 
Quand irez-vous? dit-il tout bas, avec une intonation suppliante.
 
Jeudi, par le train qui part de la gare Montparnasse à trois heures.
 
Jean ne dit rien, mais il prit ce train, à la gare Montparnasse. Et, à
la correspondance de la Ceinture, il vit sur le quai Mme Mervil, qui
cherchait des yeux la place qu'elle choisirait dans un compartiment.
 
Il était seul dans le sien. Il ouvrit la portière. Elle y monta tout de
suite.
 
Lui, resta un instant la tête penchée au dehors pour empêcher
l'intrusion d'autres personnes. Puis, quand le train s'ébranla, il
se tourna et la vit, blottie à l'angle opposé, plus jolie, d'une
joliesse plus fine que jamais dans sa toilette simple, avec sa
jaquette d'astrakan et son tour de cou formé d'une soyeuse dépouille
de zibeline, dont la tête aiguë et les minces pattes pendaient sous le
frais menton, si délicatement dessiné, de la jeune femme.
 
Et Simone avait dans les yeux cette gaieté, cette griserie, ce
charmant émoi de l'escapade, qui, pour beaucoup de Parisiennes, est le
principal attrait de l'adultère. Se réveiller le matin avec l'amusante
perspective du rendez-vous, qui rompt l'ennui des occupations
habituelles et le cours des fastidieuses visites; guetter l'heure,
choisir la toilette que l'on va mettre, en combiner perversement les
plus intimes détails; puis exécuter de savantes manœuvres, éloigner
sa voiture, monter en fiacre; avoir ensuite le plaisir de trembler un
peu, et aussi celui de mentir à la perfection,n'y a-t-il pas à toutes
ces choses, pour une puérile petite créature qui, naguère encore,
volait des fruits verts dans le verger de son couvent, une saveur
d'espièglerie qui tente la plus vertueuse?
 
Ce n'étaient pas des remords qu'en ce moment éprouvait Simone. C'était
une curiosité un peu anxieuse mais douce étrangement,la curiosité de
ce que cet homme allait lui dire. Puis, au fond de tout cela, c'était
l'intime stupeur de trouver sa conscience muette. Nulle sensation
torturante d'indigne culpabilité. Comment cela était-il possible?...
Devait-elle donc se croire un monstre, une femme bien pire que les
autres?
 
Le train maintenant filait entre les jardins des fleuristes, les champs
de roses que l'on cultive autour de Clamart, et que l'hiver faisait
nus sous le poudroiement grisâtre d'une impalpable brume. Les petits
carreaux des nombreux châssis, les rangs pressés des cloches en verre,
alternaient avec le sol brun, à l'intérieur des enclos dépouillés.
Les routes blanches tournaient, désertes. Les maisonnettes closes
semblaient abriter des sommeils sans rêves. Un ciel immobile et gris se
suspendait au-dessus de l'immobile paysage.
 
M. d'Espayrac s'était agenouillé devant Simone; de ses deux bras passés
autour de la souple taille, il inclinait vers lui la jeune femme, et il
murmurait des paroles passionnées:
 
Vous m'aimez un peu?... demanda-t-il après les litanies de sa propre
adoration.
 
Devant 

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