2016년 3월 30일 수요일

justice de femme 23

justice de femme 23


C'est qu'elle attend le médecin, qui doit venir ce matin de Paris.
 
Le médecin! Elle est donc malade?
 
La petite voix insolente de Paulette changeait subitement d'intonation,
s'adoucissait, puis se brisait d'un sanglot d'anxiété. Son visage
d'enfant pâlit. Mais l'Anglaise, touchée de cette sensibilité qu'elle
savait vibrante à l'excès, la rassura tout de suite:
 
Non, non, pas malade... fatiguée seulement. Vous savez bien comme elle
se plaignait, tous ces temps-ci, de lassitude.
 
Vous me jurez qu'elle n'est pas malade?
 
Et Paulette ouvrait plus grands ses yeux immenses pour qu'on n'osât pas
la tromper.
 
Elle n'est pas malade, mais elle le deviendra si vous êtes méchante,
si vous faites encore des folies comme ce matin.
 
La petite fille s'appuya contre ses oreillers, croisa ses mains, toutes
brunes et menues sur la blancheur du drap, et ne dit plus mot. Elle
demeura silencieuse et immobile ainsi durant un très long moment,
jusqu'à ce qu'elle entendît rouler une voiture, sur le gravier de
l'allée, devant la maison. Alors elle se mit à pleurer, mais sans
bruit, si bien que l'Anglaise, dans la pièce à côté, ne l'entendit
même pas. C'est que Paulette évoquait la blonde figure mince de sa
mère, avec les yeux gris si doux, dans lesquels dernièrement elle avait
surpris des larmes; avec la bouche fine qui, depuis peu, fléchissait
aux coins en un pli de tristesse; et l'enfant songeait que cette
figure, si jolie, n'avait plus du tout de couleurs. «Maman est très
malade, bien sûr, et on ne me l'a pas dit. Et hier encore je lui ai
fait une scène parce qu'elle voulait raccourcir mes cheveux. Oh! et
c'est la voiture qui est allée chercher le médecin à la gare... Mon
Dieu, faites que maman ne meure pas, et jamais, jamais, je ne me
mettrai plus en rage!»
 
* * * * *
 
La conférence dura longtemps entre le docteur et Mme Mervil. Roger n'y
fut pas admis. D'ailleurs la santé de sa femme ne lui paraissait point
assez troublée pour en concevoir de l'inquiétude. L'anémie de Simone,
causée probablement par un peu de surmenage mondain durant le dernier
hiver, commençait à céder dans la pure atmosphère de la campagne.
L'appétit revenait; le sommeil aussi. La surexcitation du système
nerveux s'atténuait, comme on pouvait le constater par la détente
du caractère. Toutefois Simone avait insisté pour que son médecin
l'examinât. Maintenant la visite s'achevait, le praticien rejoignit
Mervil, qui l'attendait sous la vérandah, fumant une cigarette, dans un
va-et-vient dépourvu d'impatience et d'anxiété.
 
Et bien, docteur... C'était l'imagination, n'est-ce pas? Vous lui avez
remonté le moral?
 
Oh! ce n'est pas grave, certainement, répliqua le médecinet il
souriait.Mais on a bien fait de m'appeler. Il faut un régime.
 
Des fortifiants, sans doute. Figurez-vous... elle ne peut pas
supporter la viande saignante.
 
J'ai dit à Mme Mervil tout ce qu'il faut qu'elle fasse. Et elle
m'obéira, soyez-en sûr.
 
Mais enfin, vous n'avez rien remarqué?
 
Mme Mervil vous donnera mon diagnostic. Il faut que je me sauve.
 
Comment! docteur, vous ne déjeunez pas avec nous?
 
Impossible, tout à fait impossible! Je regrette...
 
Le médecin montait dans la voiture.
 
Vous avez le temps, dit Roger, pour le train de onze heures.
 
Une poignée de mains. La voiture partit. Puis le médecin, se
retournant, cria encore:
 
Et la musique, cher maëstro? Nous préparez-vous encore des
chefs-d'œuvre?
 
* * * * *
 
Un peu préoccupé par le laconisme du docteur et par un certain air
drôle qu'il lui avait trouvé, Mervil, en quatre enjambées, escalada
l'étage. Il ouvrit la porte de leur chambre. Dans le grand lit de
milieu, Simone demeurait étendue. Les trois fenêtres, en face d'elle,
laissaient entrer, par leurs transparentes guipures, des couleurs,
des rayons, toute la joie de l'été. Celle du milieu restait même à
demi ouverte, et, par cette ouverture, les regards de Simone s'en
allaient au loin, vers un coin de l'espace où la vallée de la Seine
creusait un vide bleuâtre... Peut-être croyaient-ils se perdre, ces
regards de songe, parmi les longs horizons vibrants de lumière de la
Méditerranée... Il y avait de la tristesse et du souvenir dans leurs
prunelles.
 
Roger s'assit à côté d'elle, froissant la toile et la soie dans
l'abandon de tout son grand corps.
 
Eh bien, voyons?...
 
Comme elle ne parlait pas tout de suite, il glissa un bras autour
des fines épaules, qu'il sentit fermes et fraîches sous le linon de
la chemise. Et, les pressant d'une caresse, il dit, suivant sa façon
taquine de s'exprimer avec sa femme:
 
Est-ce bien grave?... Serai-je bientôt veuf?
 
Elle attacha sur lui des yeux profonds.
 
Non, mais tu seras bientôt père une seconde fois.
 
Il eut un sursaut. L'étonnement paralysait en lui toute autre sensation.
 
Simone ajouta:
 
Nous aurons un bébé... oui... dans cinq mois.
 
Quel moment pour une femme que la minute où, cet aveu sur les lèvres,
elle regarde le visage de son mari ou de son amant!... Celle-ci ne put
point douter du bonheur qu'elle causait. Nulle ombre, même passagère,
ne glissa sur les traits ou sur le cœur de Roger. Une seconde,
l'émotion le suffoqua; mais cette émotion, visiblement, était d'intense
joie. Puis il respira très fort, avec un court tremblement de tout son
être, saisit les deux mains de Simone, y colla ses lèvres, murmura:
 
Je suis heureux!... Je suis heureux!... Je suis heureux!...
 
Mon ami! dit-elle seulementmais avec une __EXPRESSION__ de tendresse
extraordinaire,mon ami!...
 
Comme il inclinait la tête en lui baisant encore les mains, elle prit
cette tête, elle l'appuya contre la douceur de sa gorge, sur les
dentelles de sa chemise, et, la touchant de son front, elle y laissa
tomber deux larmes, les deux plus atroces larmes de regret, de honte et
de doute, qui jamais aient mouillé des yeux d'épouse.
 
Oh! pourquoi pleures-tu? demanda Roger.
 
C'est parce que tu es si bon, et parce que je t'aime tant! dit-elle.
 
Mais, reprit-il, tu es contente? Dis, ma chérie, tu n'as pas peur?
 
Peur?...
 
Elle se mit à rire, avec un rire voulu, en secouant la tête, comme pour
écarter quelque arrière-pensée qui l'obsédait.
 
Rappelle-toi, reprit-elle, comme tout s'est bien passé pour Paulette.
 
Paulette!... Ah! mon Dieu! s'écria-t-il, je l'oubliais! Pauvre petit
loup, elle est en pénitence. Oui... tu ne sais pas... la gamine! elle
était montée sur le poney.
 
Et Mervil courut hors de la chambre, sautant presque, avec une
vivacité d'écolier. Deux minutes après, il rapportait sa fille, dont
la longue chemise de nuit pendait entre les bras du père, et qui riait
maintenant, les yeux mal séchés, sa petite poitrine encore secouée par
son récent désespoir.
 
Alors, dis, petite mère, c'est bien vrai que tu n'es pas malade, que
tu ne vas pas mourir?
 
Tous les trois s'embrassaient, roulés et enlacés sur le grand lit; le
père et la mère se faisant, par-dessus la tête de l'enfant, des signes
d'intelligence.
 
Papa, je te promets de ne plus monter sur le poney.
 
Si... tu y monteras, mais avec moi... Et je te commanderai une petite
selle.
 
Oh! papa!... Oh! papa!...
 
Elle battait des mains, gambadait sur le lit, toute mince et comique
dans la blancheur de sa longue chemise, avec l'envolement autour d'elle
de ses grands cheveux de soie brune.
 
Prends garde, tu vas faire mal à maman.
 
Dis-moi, Lélette, interrogea Simone, serais-tu contente si le bon Dieu
t'envoyait un petit frère... ou bien une petite sœur?
 
Paulette s'arrêta, un peu interloquée par la question. Elle n'avait pas
songé à cela, jamais. L'idée ne parut pas lui sourire.

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