2016년 3월 3일 목요일

L'autre monde ou Histoire comique des Etats et Empires de la Lune 10

L'autre monde ou Histoire comique des Etats et Empires de la Lune 10


[11] Que je croyais moi-même être tout en feu. (Edition Le Bret.)
 
_Vous saurez seulement que j'ai rencontré dès le lendemain l'arbre de
vie par le moyen duquel je m'empêchai de vieillir. Il consomma bientôt
et fit exhaler le serpent en fumée._
 
--_A ces mots, vénérable et sacré patriarche, lui dis-je, je serais
bien aise de savoir ce que vous entendez par le serpent qui fut
consommé._
 
_Lui d'un visage riant me répondit ainsi_:
 
--_J'oubliais, ô mon fils, à vous découvrir un secret dont on ne peut
pas vous voir instruit. Vous saurez donc qu'après qu'Eve et son mari
eurent mangé de la pomme défendue, Dieu pour punir le serpent qui les
avait tentés le relégua dans le corps de l'homme. Il n'est point né
depuis de créature humaine qui, en punition du crime de son premier
père, ne nourrisse un serpent dans son ventre, issu de ce premier. Vous
les nommez les boyaux et vous les croyez nécessaires aux fonctions de
la vie, mais apprenez que ce ne sont autre chose que des serpents pliés
sur eux-mêmes en plusieurs doubles, quand vous entendez vos entrailles
crier, c'est le serpent qui siffle et qui, suivant ce naturel glouton
dont jadis il incita le premier homme à trop manger, demande à manger
aussi, car Dieu, qui pour vous chasser voulait vous rendre mortel comme
les autres animaux, vous fit obséder par cet insatiable afin que si
vous lui donniez trop à manger, vous vous étouffassiez ou si lorsque
avec les dents invisibles dont cet affamé mord votre estomac, vous lui
refusiez sa pitance, il criât, il tempêtât, il dégorgeât ce venin que
vos docteurs appellent la bile et vous achevât tellement par le poison
qu'il inspire à vos artères que vous ne fussiez bientôt consumés._
 
_Enfin pour vous montrer que vos boyaux sont un serpent que vous
avez dans le corps, souvenez-vous qu'on en trouva dans les tombeaux
d'Esculape, de Scipion, d'Alexandre, de Charles Martel et d'Edouard
d'Angleterre qui se nourrissaient encore des cadavres de leurs hôtes._
 
--_En effet, lui dis-je, en l'interrompant, j'ai remarqué que comme ce
serpent essaye toujours à s'échapper du corps de l'homme, on lui voit
la tête et le col sortir seul au bas de nos ventres, mais aussi Dieu
n'a pas permis que l'homme seul en fût tourmenté, il a voulu qu'il
se bandât contre la femme pour lui jeter son venin et que l'enflure
durât neuf mois après l'avoir piquée, et, pour vous montrer que je
parle suivant la parole du Seigneur, c'est qu'il dit au Serpent pour
le maudire qu'il aurait beau faire trébucher la femme en se raidissant
contre elle, qu'elle lui ferait enfin baisser la tête._
 
_Je voulais continuer ces fariboles, mais Hélie m'en empêcha:_
 
--_Songez, dit-il, que ce lieu-ci est saint._
 
_Il se tient ensuite quelque temps comme pour se ramentenoir de
l'endroit où il était demeuré, pris il prit ensuite la parole._
 
--_Je ne tâte du fruit de vie que de cent ans en cent ans, son jus a
pour le goût quelque rapport avec l'esprit de vin, ce fut je crois
cette pomme qu'Adam avait mangée qui fut cause que nos premiers pères
vécurent si longtemps parce qu'il était coulé dans leur semence quelque
chose de son énergie jusqu'à ce qu'elle s'éteignît dans les eaux du
déluge._
 
_L'arbre de science est planté vis-à-vis. Son fruit est couvert d'une
écorce qui produit l'ignorance dans quiconque en a goûté et qui, sous
l'épaisseur de cette pelure, conserve les spirituelles vertus de ce
docte manger. Dieu autrefois après avoir chassé Adam de cette terre
bienheureuse, de peur qu'il n'en retrouvât le chemin, lui frotta les
gencives de cette écorce. Il fut depuis ce temps-là plus de quinze ans
à radoter et oublia tellement toutes choses que lui ni ses descendants
jusqu'à Moïse ne se souvinrent seulement pas de la création._
 
_Mais les restes de la vertu de cette pesante écorce achevèrent de se
dissiper par la chaleur et la clarté du génie de ce grand prophète.
Je m'adressai par bonheur à l'une de ces pommes que la maturité avait
dépouillée de sa peau et ma salive à peine l'avait mouillée que la
philosophie universelle m'absorba._
 
_Il me sembla qu'un nombre infini de petits yeux se plongeaient dans ma
tête et je sus le moyen de parler au Seigneur. Quand depuis l'ai fait
réflexion sur cet enlèvement miraculeux, je me suis bien imaginé que
je n'aurais pas pu vaincre par les vertus occultes d'un simple corps
naturel la vigilance du Séraphin que Dieu a ordonné pour la garde de
ce Paradis. Mais parce qu'il se plaît à se servir de causes secondes,
je crus qu'il m'avait inspiré ce moyen pour y entrer, comme il voulut
se servir des côtes d'Adam pour lui faire une femme, quoiqu'il pût la
former de terre aussi bien que lui._
 
_Je demeurai longtemps dans ce jardin à me promener sans compagnie.
Mais enfin comme l'ange portier du lieu était mon principal hôte, il
me prit envie de le saluer. Une heure de chemin termina mon voyage
car au bout de ce temps j'arrivai en une contrée où mille éclairs se
confondaient en un, formaient un jour aveugle qui ne servait qu'à
rendre l'obscurité visible._
 
_Je n'étais pas encore bien remis de cette aventure que j'aperçus
devant moi un bel adolescent._
 
--_Je suis, me dit-il, l'archange que tu cherches, je viens de lire
dans Dieu qu'il t'avait suggéré les moyens de venir ici, et qu'il
voulait que tu y attendisses sa volonté._
 
_Il m'entretint de plusieurs choses et me dit entre autres: que cette
lumière dont j'avais paru effrayé n'était rien de formidable, qu'elle
s'allumait presque tous les soirs quand il faisait la ronde parce que,
pour éviter les surprises des sorciers qui entrent partout sans être
vus, il était contraint de jouer de l'espadon avec son épée flamboyante
autour du Paradis terrestre et que cette lueur était les éclairs
qu'engendrait son acier._
 
_Ceux que vous apercevez de votre monde, ajouta-t-il, sont produits
par moi, si quelquefois vous les remarquez bien loin, c'est à cause
que les nuages d'un climat éloigné se trouvant disposés à recevoir
cette impression font rejaillir jusqu'à vous ces légères images de
feu ainsi qu'une vapeur autrement située se trouvât propre à former
l'arc-en-ciel. Je ne vous instruirai pas davantage, aussi bien la pomme
de science n'est pas loin d'ici, aussitôt que vous en aurez mangé,
vous serez docte comme moi, mais surtout gardez vous d'une méprise,
la plupart des fruits qui pendent à ce végétant sont environnés d'une
écorce de laquelle si vous tâtez, vous descendrez au-dessous de l'homme
au lieu que le dedans vous fera monter aussi haut que l'ange._
 
_Hélie en était là des instructions que lui avait données le séraphin
quand un petit homme nous vint joindre._
 
--_C'est ici cet Enoc dont je vous ai parlé, me dit tout bas mon
conducteur._
 
_Comme il achevait ces mots, Enoc nous présenta un panier plein de je
ne sais quels fruits semblables aux pommes de grenades qu'il venait de
découvrir ce jour-là en un bocage reculé. J'en serrai quelques-unes
dans ma poche par le commandement d'Hélie, lorsqu'il lui demanda qui
j'étais._
 
--_C'est une aventure qui mérite un plus long entretien, repartit mon
guide, ce soir, quand nous serons retirés, il nous conduira à même les
miraculeuses particularités de son voyage._
 
_Nous arrivâmes en finissant ceci sous une espèce d'hermitage fait de
branches de palmier ingénieusement entrelacées avec des myrthes et
des orangers. Là j'aperçus dans un petit réduit, des monceaux d'une
certaine filoselle si blanche et si déliée qu'elle pouvait passer pour
l'âme de la neige. Je vis aussi des quenouilles répandues çà et là. Je
demandai à mon conducteur à quoi elles servaient._
 
--_A filer, me répondit-il, quand le bon Enoc veut se débander de la
méditation, tantôt il habille cette filasse, tantôt il tourne du fil,
tantôt il tisse la toile qui sert à tailler des chemises aux onze mille
vierges. Il n'est pas que n'ayez quelquefois rencontré en votre monde
je ne sais quoi de blanc qui voltige en automne, environ des semailles,
les paysans appellent cela_ coton de Notre-Dame, _c'est la bourre dont
Enoc purge son lin quand il le carde_.
 
_Nous n'arrêtâmes guère, sans prendre congé d'Enoc dont cette cabane
était la cellule, et ce qui nous obligea de le quitter sitôt fut que
de six en six heures il fait oraison et qu'il y avait bien cela qu'il
avait achevé la dernière._
 
_Je suppliai en chemin Hélie de nous achever l'histoire des
assomptions qu'il m'avait entamée et lui dis qu'il en était demeuré ce
me semblait à celle de saint Jean l'Evangéliste._
 
--_Alors, puisque vous n'avez pas, me dit-il, la patience d'attendre
que la pomme de savoir vous enseigne mieux que moi toutes ces choses,
je veux bien vous les apprendre, sachez donc que Dieu..._
 
_A ces mots je ne sais pas comment le diable s'en mêla, tant y a que je
ne pus pas m'empêcher de l'interrompre pour railler._
 
--_Je m'en souviens, lui dis-je, Dieu fut un jour averti que l'âme de
cet évangéliste était si détachée qu'il ne la retenait plus qu'à force
de serrer les dents, cependant, l'heure où il avait prévu qu'il serait
enlevé céans étant presque expirée de façon que n'ayant pas le temps de
lui préparer une machine, il fut contraint de l'y faire être vivement
sans avoir le loisir de l'y faire aller._
 
_Elie pendant tout ce discours me regardait avec des yeux capables de
me tuer si j'eusse été en état de mourir d'autre chose que de faim._
 
--_Abominable, dit-il en se reculant, tu as l'imprudence de railler les
choses saintes, au moins ne serait-ce pas impunément, si le Tout-Sage
ne voulait te laisser aux nations en exemple fameux de sa miséricorde,
va impie hors d'ici, va publier dans ce petit monde et dans l'autre,
car tu es prédestiné à y retourner, la haine irréconciliable que Dieu
porte aux athées._
 
_A peine eut-il terminé cette imprécation qu'il m'empoigna et me
conduisit rudement vers la porte, quand nous fûmes arrivés proche un
grand arbre dont les branches chargées de fruits se courbaient presque
à terre._
 
--_Voici l'arbre de savoir, me dit-il, où tu aurais puisé des lumières inconcevables sans ton irreligion._

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