2016년 3월 13일 일요일

Oeuvres complètes de Guy de Maupassant 7

Oeuvres complètes de Guy de Maupassant 7


Alors d'une voix déjà lointaine, en haletant, elle dit: «Je vais
mourir, mon chéri; promets-moi de rester jusqu'à la fin. Oh! ne me
quitte pas maintenant, ne me quitte pas au dernier moment!»
 
Il la baisait au front, dans ses cheveux, en sanglotant. Il murmura:
«Sois tranquille, je vais rester.»
 
Elle fut quelques minutes avant de pouvoir parler encore, tant elle
était oppressée et défaillante. Elle reprit: «C'est à toi, le petit.
Je te le jure devant Dieu, je te le jure sur mon âme, je te le jure au
moment de mourir. Je n'ai pas aimé d'autre homme que toi... Promets-moi
de ne pas l'abandonner.» Il essayait de prendre encore dans ses bras ce
misérable corps déchiré, vidé de sang. Il balbutia, affolé de remords
et de chagrin: «Je te le jure, je l'élèverai et je l'aimerai. Il ne
me quittera pas.» Alors elle tenta d'embrasser Jacques. Impuissante à
lever sa tête épuisée, elle tendait ses lèvres blanches dans un appel
de baiser. Il approcha sa bouche pour cueillir cette lamentable et
suppliante caresse.
 
Un peu calmée, elle murmura tout bas: «Apporte-le, que je voie si tu
l'aimes.»
 
Et il alla chercher l'enfant.
 
Il le posa doucement sur le lit, entre eux, et le petit être cessa
de pleurer. Elle murmura: «Ne bouge plus!» Et il ne remua plus. Il
resta là, tenant en sa main brûlante cette main que secouaient des
frissons d'agonie, comme il avait tenu, tout à l'heure, une autre main
que crispaient des frissons d'amour. De temps en temps, il regardait
l'heure, d'un coup d'œil furtif, guettant l'aiguille qui passait
minuit, puis une heure, puis deux heures.
 
Le médecin s'était retiré; les deux gardes, après avoir rôdé quelque
temps, d'un pas léger, par la chambre, sommeillaient maintenant sur des
chaises. L'enfant dormait, et la mère, les yeux fermés, semblait se
reposer aussi.
 
Tout à coup, comme le jour blafard filtrait entre les rideaux croisés,
elle tendit ses bras d'un mouvement si brusque et si violent qu'elle
faillit jeter à terre son enfant. Une espèce de râle se glissa dans sa
gorge; puis elle demeura sur le dos, immobile, morte.
 
Les gardes accourues déclarèrent: «C'est fini.»
 
Il regarda une dernière fois cette femme qu'il avait aimée, puis la
pendule qui marquait quatre heures, et s'enfuit oubliant son pardessus,
en habit noir, avec l'enfant dans ses bras.
 
Après qu'il l'eût laissée seule, sa jeune femme avait attendu, assez
calme d'abord, dans le petit boudoir japonais. Puis, ne le voyant point
reparaître, elle était rentrée dans le salon, d'un air indifférent et
tranquille, mais inquiète horriblement. Sa mère, l'apercevant seule,
avait demandé: «Où donc est ton mari?» Elle avait répondu: «Dans sa
chambre; il va revenir.»
 
Au bout d'une heure, comme tout le monde l'interrogeait, elle avoua
la lettre et la figure bouleversée de Jacques, et ses craintes d'un
malheur.
 
On attendit encore. Les invités partirent; seuls, les parents les plus
proches demeuraient. A minuit, on coucha la mariée toute secouée de
sanglots. Sa mère et deux tantes, assises autour du lit, l'écoutaient
pleurer, muettes et désolées... Le père était parti chez le commissaire
de police pour chercher des renseignements.
 
A cinq heures, un bruit léger glissa dans le corridor; une porte
s'ouvrit et se ferma doucement; puis soudain un petit cri pareil à un
miaulement de chat courut dans la maison silencieuse.
 
Toutes les femmes furent debout d'un bond, et Berthe, la première,
s'élança malgré sa mère et ses tantes, enveloppée de son peignoir de
nuit.
 
Jacques, debout au milieu de sa chambre, livide, haletant, tenait un
enfant dans ses bras.
 
Les quatre femmes le regardèrent, effarées; mais Berthe, devenue
soudain téméraire, le cœur crispé d'angoisse, courut à lui: «Qu'y
a-t-il? dites, qu'y a-t-il?»
 
Il avait l'air fou; il répondit d'une voix saccadée: «Il y a... il
y a... que j'ai un enfant, et que la mère vient de mourir...» Et il
présentait dans ses mains inhabiles le marmot hurlant.
 
Berthe, sans dire un mot, saisit l'enfant, l'embrassa, l'étreignant
contre elle; puis, relevant sur son mari ses yeux pleins de larmes: «La
mère est morte, dites-vous?» Il répondit: «Oui, tout de suite... dans
mes bras... J'avais rompu depuis l'été... Je ne savais rien, moi...
c'est le médecin qui m'a fait venir...»
 
Alors Berthe murmura: «Eh bien, nous l'élèverons, ce petit.»
 
 
_L'Enfant_ a paru dans _le Gaulois_ du 24 juillet 1882.
 
 
 
 
CONTE DE NOËL.
 
 
LE docteur Bonenfant cherchait dans sa mémoire, répétant à mi-voix: «Un
souvenir de Noël?... Un souvenir de Noël?...»
 
Et tout à coup, il s'écria:
 
--Mais si, j'en ai un, et un bien étrange encore; c'est une histoire
fantastique. J'ai vu un miracle! Oui, Mesdames, un miracle, la nuit de
Noël.
 
Cela vous étonne de m'entendre parler ainsi, moi qui ne crois guère à
rien. Et pourtant j'ai vu un miracle! Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes
propres yeux vu, ce qui s'appelle vu.
 
En ai-je été fort surpris? non pas; car si je ne crois point à
vos croyances, je crois à la foi, et je sais qu'elle transporte
les montagnes. Je pourrais citer bien des exemples; mais je vous
indignerais et je m'exposerais aussi à amoindrir l'effet de mon
histoire.
 
Je vous avouerai d'abord que si je n'ai pas été convaincu et converti
par ce que j'ai vu, j'ai été du moins fort ému, et je vais tâcher
de vous dire la chose naïvement, comme si j'avais une crédulité
d'Auvergnat.
 
«J'étais alors médecin de campagne, habitant le bourg de Rolleville, en
pleine Normandie.
 
L'hiver, cette année-là, fut terrible. Dès la fin de novembre, les
neiges arrivèrent après une semaine de gelées. On voyait de loin les
gros nuages venir du nord; et la blanche descente des flocons commença.
 
En une nuit, toute la plaine fut ensevelie.
 
Les fermes, isolées dans leurs cours carrées, derrière leurs rideaux
de grands arbres poudrés de frimas, semblaient s'endormir sous
l'accumulation de cette mousse épaisse et légère.
 
Aucun bruit ne traversait plus la campagne immobile. Seuls les
corbeaux, par bandes, décrivaient de longs festons dans le ciel,
cherchant leur vie inutilement, s'abattant tous ensemble sur les champs
livides et piquant la neige de leurs grands becs.
 
On n'entendait rien que le glissement vague et continu de cette
poussière gelée tombant toujours.
 
Cela dura huit jours pleins, puis l'avalanche s'arrêta. La terre avait
sur le dos un manteau épais de cinq pieds.
 
Et, pendant trois semaines ensuite, un ciel, clair comme un cristal
bleu le jour, et, la nuit, tout semé d'étoiles qu'on aurait crues de
givre, tant le vaste espace était rigoureux, s'étendit sur la nappe
unie, dure et luisante des neiges.
 
La plaine, les haies, les ormes des clôtures, tout semblait mort,
tué par le froid. Ni hommes ni bêtes ne sortaient plus: seules les
cheminées des chaumières en chemise blanche révélaient la vie cachée,
par les minces filets de fumée qui montaient droit dans l'air glacial.
 
De temps en temps on entendait craquer les arbres, comme si leurs
membres de bois se fussent brisés sous l'écorce; et, parfois, une
grosse branche se détachait et tombait, l'invincible gelée pétrifiant
la sève et cassant les fibres.
 
Les habitations semées çà et là par les champs semblaient éloignées
de cent lieues les unes des autres. On vivait comme on pouvait. Seul,
j'essayais d'aller voir mes clients les plus proches, m'exposant sans
cesse à rester enseveli dans quelque creux.
 
Je m'aperçus bientôt qu'une terreur mystérieuse planait sur le pays.
Un tel fléau, pensait-on, n'était point naturel. On prétendit qu'on
entendait des voix la nuit, des sifflements aigus, des cris qui
passaient.
 
Ces cris et ces sifflements venaient sans aucun doute des oiseaux
émigrants qui voyagent au crépuscule, et qui fuyaient en masse vers
le sud. Mais allez donc faire entendre raison à des gens affolés. Une
épouvante envahissait les esprits et on s'attendait à un événement
extraordinaire.
 
La forge du père Vatinel était située au bout du hameau d'Épivent, sur
la grande route, maintenant invisible et déserte. Or, comme les gens
manquaient de pain, le forgeron résolut d'aller jusqu'au village. Il
resta quelques heures à causer dans les six maisons qui forment le
centre du pays, prit son pain et des nouvelles, et un peu de cette peur
épandue sur la campagne.
 
Et il se remit en route avant la nuit.
 
Tout à coup, en longeant une haie, il crut voir un œuf sur la neige;
oui, un œuf déposé là, tout blanc comme le reste du monde. Il se
pencha, c'était un œuf en effet. D'où venait-il? Quelle poule avait
pu sortir du poulailler et venir pondre en cet endroit? Le forgeron
s'étonna, ne comprit pas; mais il ramassa l'œuf et le porta à sa
femme.
 
--Tiens, la maîtresse, v'là un œuf que j'ai trouvé sur la route!
 
La femme hocha la tête:
 
--Un œuf sur la route? Par ce temps-ci, t'es soûl, bien sûr?
 
--Mais non la maîtresse, même qu'il était au pied d'une haie, et
encore chaud, pas gelé. Le v'la, j'me l'ai mis sur l'estomac pour qui n'refroidisse pas. Tu le mangeras pour ton dîner.

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