2014년 11월 26일 수요일

La guerre et la paix 전쟁과 평화 9

La guerre et la paix 전쟁과 평화 9


Un autre hussard s'etait egalement elance vers le cheval, mais
Bonedareneko avait aussitot saisi le bridon; on voyait que le ≪junker≫
payait bien et qu'il etait avantageux de le servir.

Rostow caressa doucement sa bete et s'arreta sur le perron pour la
regarder.

≪Bravo, quel cheval cela fera!≫ se dit-il en lui-meme, et, relevant son
sabre, il monta rapidement les quelques marches en faisant sonner ses
eperons.

L'Allemand proprietaire de la maison se montra, en camisole de laine et
en bonnet de coton, a la porte de l'etable, ou il remuait le fumier avec
une fourche.

Sa figure s'eclaira d'un bon sourire a la vue de Rostow.

≪Bonjour, bonjour, lui dit-il, en rendant son salut au jeune homme avec
un plaisir evident.

--Deja a l'ouvrage, lui dit Rostow, souriant a son tour, hourra pour
l'Autriche, hourra pour les Russes, hourra pour l'empereur Alexandre!≫
ajouta-t-il en repetant les exclamations favorites de l'Allemand.

Celui-ci s'avanca en riant, jeta en l'air son bonnet de coton et
s'ecria:

≪Hourra pour toute la terre!≫

Rostow repeta son hourra, et cependant il n'y avait aucun motif de se
rejouir d'une facon aussi extraordinaire, ni pour l'Allemand qui
nettoyait son etable, ni pour Rostow qui etait alle chercher du foin
avec son peloton. Apres qu'ils eurent ainsi donne un libre cours a leurs
sentiments patriotiques et fraternels, le vieux bonhomme retourna a son
ouvrage, et le jeune junker rentra chez lui.

≪Ou est ton maitre? demanda-t-il a Lavrouchka, le domestique de
Denissow, ruse coquin et connu pour tel de tout le regiment.

--Il n'est pas encore rentre depuis hier au soir; il aura probablement
perdu, repondit Lavrouchka, car je le connais bien: quand il gagne, il
revient de bonne heure pour s'en vanter; s'il ne revient pas de toute la
nuit, c'est qu'il est en deroute, et alors il est d'une humeur de
chien. Faut-il vous servir le cafe?

--Oui, donne-le et promptement.≫

Dix minutes plus tard, Lavrouchka apportait le cafe:

≪Il vient, il vient! gare la bombe!≫

Rostow apercut effectivement Denissow qui rentrait. C'etait un petit
homme, a la figure enluminee, aux yeux noirs et brillants, aux cheveux
noirs et a la moustache en desordre. Son dolman etait degrafe, son large
pantalon tenait a peine et son shako froisse descendait sur sa nuque.
Sombre et soucieux, il s'approchait la tete basse.

≪Lavrouchka! s'ecria-t-il avec colere et en grasseyant. Voyons, idiot,
ote-moi cela.

--Mais puisque je vous l'ote!

--Ah! te voila leve! dit Denissow, en entrant dans la chambre.

--Il y a beau temps... j'ai deja ete au fourrage et j'ai vu Fraulein
Mathilde.

--Ah! Ah! Et moi, mon cher, je me suis enfonce, comme une triple
buse.... Une mauvaise chance du diable! Elle a commence apres ton
depart.... He! du the!≫ cria-t-il d'un air renfrogne.

Puis, grimacant un sourire qui laissa voir ses dents petites et fortes,
il passa ses doigts dans ses cheveux en broussailles.

≪C'est le diable qui m'a envoye chez ce Rat (c'etait le surnom donne a
l'officier).... Figure-toi... pas une carte, pas une!...≫

Et Denissow, laissant tomber le feu de sa pipe, la jeta avec violence
sur le plancher, ou elle se brisa en mille morceaux. Apres avoir
reflechi une demi-seconde en regardant gaiement Rostow de ses yeux noirs
et brillants:

≪Si au moins il y avait des femmes, passe encore, mais il n'y a rien a
faire, excepte boire!... Quand donc se battra-t-on?... He, qui est la?
ajouta-t-il, en entendant derriere la porte un bruit de grosses bottes
et d'eperons, accompagne d'une petite toux respectueuse.

--Le marechal des logis!≫ annonca Lavrouchka. Denissow s'assombrit
encore plus.

≪Ca va mal, dit-il, en jetant a Rostow sa bourse qui contenait quelques
pieces d'or.... Compte, je t'en prie, mon ami, ce qui me reste, et cache
ma bourse sous mon oreiller.≫

Il sortit.

Rostow s'amusa a mettre en piles egales les pieces d'or de differente
valeur et a les compter machinalement, pendant que la voix de Denissow
se faisait entendre dans la piece voisine:

≪Ah! Telianine, bonjour; je me suis enfonce hier!

--Chez qui?

--Chez Bykow.

--Chez le Rat, je le sais,≫ dit une autre voix flutee.

Et le lieutenant Telianine, petit officier du meme escadron, entra au
meme moment dans la chambre ou se trouvait Rostow. Celui-ci, jetant la
bourse sous l'oreiller, serra la main moite qui lui etait tendue.
Telianine avait ete renvoye de la garde peu temps avant la campagne; sa
conduite etait maintenant exempte de tout reproche, et cependant il
n'etait pas aime. Rostow surtout ne pouvait ni surmonter ni cacher
l'antipathie involontaire qu'il lui inspirait.

≪Eh bien, jeune cavalier, etes-vous content de mon petit Corbeau?≫
(c'etait le nom du cheval vendu a Rostow). Le lieutenant ne regardait
jamais en face la personne a laquelle il parlait, et ses yeux allaient
sans cesse d'un objet a un autre....

≪Je vous ai vu le monter ce matin.

--Mais il n'a rien de particulier, c'est un bon cheval, repondit Rostow,
qui savait fort bien que cette bete payee sept cents roubles n'en valait
pas la moitie.... Il boite un peu de la jambe gauche de devant.

--C'est le sabot qui se sera fendu: ce n'est rien, je vous apprendrai a
y mettre un rivet.

--Oui, apprenez-le-moi.

--Oh! c'est bien facile, ce n'est pas un secret; quant au cheval, vous
m'en remercierez.

--Je vais le faire amener,≫ dit aussitot Rostow pour se debarrasser de
Telianine.

Et il sortit.

Denissow, assis par terre dans la piece d'entree, les jambes croisees,
la pipe a la bouche, ecoutait le rapport du marechal des logis. A la vue
de Rostow, il fit une grimace, en lui indiquant du doigt par-dessus son
epaule, avec une expression de degout, la chambre ou etait Telianine:

≪Je n'aime pas ce garcon-la,≫ dit-il sans s'inquieter de la presence de
son subordonne.

Rostow haussa les epaules comme pour dire:

≪Moi non plus, mais qu'y faire?≫

Et, ayant donne ses ordres, il retourna aupres de l'officier, qui etait
nonchalamment occupe a frotter ses petites mains blanches:

≪Et dire qu'il existe des figures aussi antipathiques!≫ pensa Rostow.

≪Eh bien, avez-vous fait amener le cheval? demanda Telianine, en se
levant et en jetant autour de lui un regard indifferent.

--Oui, a l'instant.

--C'est bien... je n'etais entre que pour demander a Denissow s'il avait
recu l'ordre du jour d'hier; l'avez-vous recu, Denissow?

--Non, pas encore; ou allez-vous?

--Mais je vais aller montrer a ce jeune homme comment on ferre un
cheval.≫

Ils entrerent dans l'ecurie, et, sa besogne faite, le lieutenant
retourna chez lui.

Denissow, assis a une table sur laquelle on avait pose une bouteille
d'eau-de-vie et un saucisson, etait en train d'ecrire. Sa plume criait
et crachait sur le papier. Quand Rostow entra, il le regarda d'un air
sombre:

≪C'est a elle que j'ecris...≫

Et, s'accoudant sur la table sans lacher sa plume, comme s'il saisissait
avec joie l'occasion de dire tout haut ce qu'il voulait mettre par
ecrit, il lui detailla le contenu de son epitre:

≪Vois-tu, mon ami, on ne vit pas, on dort quand on n'a pas un amour dans
le coeur. Nous sommes les enfants de la poussiere, mais, lorsqu'on aime,
on devient Dieu, on devient pur comme au premier jour de la creation!...
Qui va la? Envoie-le au diable, je n'ai pas le temps!≫

Mais Lavrouchka s'approcha de lui sans se deconcerter:

≪Ce n'est personne, c'est le marechal des logis a qui vous avez dit de
venir chercher l'argent.≫

Denissow fit un geste d'impatience aussitot reprime:

≪Mauvaise affaire, grommela-t-il.... Dis donc, Rostow, combien y a-t-il
dans ma bourse?

--Sept pieces neuves et trois vieilles.

--Ah! mauvaise affaire! Que fais-tu la plante comme une borne? Va
chercher le marechal des logis!

--Denissow, je t'en prie, s'ecria Rostow en rougissant, prends de mon
argent, tu sais que j'en ai.

--Je n'aime pas a emprunter aux amis. Non, je n'aime pas cela.

--Si tu ne me traites pas en camarade, tu m'offenseras serieusement;
j'en ai, je t'assure, repeta Rostow.

--Mais non, je te le repete...≫

Denissow s'approcha du lit pour retirer sa bourse de dessous l'oreiller:

≪Ou l'as-tu cachee?

--Sous le dernier oreiller.

--Elle n'y est pas!...≫

Et Denissow jeta les deux oreillers par terre.

≪C'est vraiment inoui!

--Tu l'auras fait tomber, attends, dit Rostow, en secouant les oreillers
a son tour et en rejetant egalement de cote la couverture.... Pas de
bourse!... Aurais-je donc oublie? Mais non, puisque j'ai meme pense que
tu la gardais sous ta tete comme un tresor. Je l'ai bien mise la
pourtant; ou est-elle donc? ajouta-t-il en se tournant vers Lavrouchka.

--Elle doit etre la ou vous l'avez laissee, car je ne suis pas entre!

--Et je te dis qu'elle n'y est pas.

--C'est toujours la meme histoire... vous oubliez toujours ou vous
mettez les choses... regardez dans vos poches.

--Mais non, te dis-je, puisque j'ai pense au tresor... je me rappelle
tres bien que je l'ai mise la.≫

Lavrouchka defit entierement le lit, regarda partout, fureta dans tous
les coins, et s'arreta au beau milieu de la chambre, en etendant les
bras avec stupefaction. Denissow, qui avait suivi tous ses mouvements en
silence, se tourna a ce geste vers Rostow:

≪Voyons, Rostow, cesse de plaisanter!≫

Rostow, en sentant peser sur lui le regard de son ami, releva les yeux
et les baissa aussitot. Son visage devint pourpre et la respiration lui
manqua.

≪Il n'y a eu ici que le lieutenant et vous deux, donc elle doit y etre!
dit Lavrouchka.

--Eh bien, alors, poupee du diable, remue-toi... cherche, s'ecria
Denissow devenu cramoisi, et le menacant du poing: il, faut qu'elle se
trouve, sans cela je te cravacherai... je vous cravacherai tous!...≫

Rostow boutonna sa veste, agrafa son ceinturon et prit sa casquette.

≪Trouve-la, te dis-je, continuait Denissow en secouant son domestique
et en le poussant violemment contre la muraille.

--Laisse-le, Denissow, je sais qui l'a prise...≫

Et Rostow se dirigea vers la porte, les yeux toujours baisses. Denissow,
ayant subitement compris son allusion, s'arreta et lui saisit la main:

≪Quelle betise! s'ecria-t-il si fortement que les veines de son cou et
de son front se tendirent comme des cordes. Tu deviens fou, je crois...
la bourse est ici, j'ecorcherai vif ce miserable et elle se retrouvera.

--Je sais qui l'a prise, repeta Rostow d'une voix etranglee.

--Et moi, je te defends...≫ s'ecria Denissow.

Mais Rostow s'arracha avec colere a son etreinte.

≪Tu ne comprends donc pas, lui dit-il, en le regardant droit et ferme
dans les yeux, tu ne comprends donc pas ce que tu me dis? Il n'y avait
que moi ici; donc, si ce n'est pas l'autre, c'est... et il se precipita
hors de la chambre sans achever sa phrase.

--Ah! que le diable t'emporte, toi et tout le reste!≫

Ce furent les dernieres paroles qui arriverent aux oreilles de Rostow;
peu d'instants apres il entrait dans le logement de Telianine.

≪Mon maitre n'est pas a la maison, lui dit le domestique, il est alle a
l'etat-major.... Est-il arrive quelque chose? ajouta-t-il, en remarquant
la figure bouleversee du junker.

--Non, rien!

--Vous l'avez manque de peu.≫

Sans rentrer chez lui, Rostow monta a cheval et se rendit a
l'etat-major, qui etait etabli a trois verstes de Saltzeneck; il y avait
la un petit ≪traktir≫ ou se reunissaient les officiers. Arrive devant la
porte, il y vit attache le cheval de Telianine; le jeune officier etait
attable dans la chambre du fond devant un plat de saucisses et une
bouteille de vin.

≪Ah! vous voila aussi, jeune adolescent, dit-il en souriant et en
elevant ses sourcils.

--Oui,≫ dit Rostow avec effort, et il s'assit a une table voisine, a
cote de deux Allemands et d'un officier russe.

Tous gardaient le silence, on n'entendait que le cliquetis des
couteaux. Ayant fini de dejeuner, le lieutenant tira de sa poche une
longue bourse, en fit glisser les coulants de ses petits doigts blancs
et recourbes a la poulaine, y prit une piece d'or et la tendit au
garcon.

≪Depechez-vous, dit-il.

--Permettez-moi d'examiner cette bourse,≫ murmura Rostow en
s'approchant.

Telianine, dont les yeux, comme d'habitude, ne se fixaient nulle part,
la lui passa.

≪Elle est jolie, n'est-ce pas? dit-il en palissant legerement... voyez,
jeune homme.≫

Le regard de Rostow se porta alternativement sur la bourse et sur le
lieutenant.

≪Tout cela restera a Vienne, si nous y arrivons, car ici, dans ces
vilains petits trous, on ne peut guere depenser son argent, ajouta-t-il
avec une gaiete forcee.... Rendez-la-moi, je m'en vais.≫

Rostow se taisait.

≪Eh bien, et vous, vous allez dejeuner? On mange assez bien ici, mais,
voyons, rendez-la-moi donc...≫

Et il etendit la main pour prendre la bourse.

Le junker la lacha et le lieutenant la glissa doucement dans la poche de
son pantalon; il releva ses sourcils avec negligence, et sa bouche
s'entr'ouvrit comme pour dire: ≪Oui, c'est ma bourse; elle rentre dans
ma poche, c'est tout simple, et personne n'a rien a y voir...≫

≪Eh bien, dit-il, et leurs regards se croiserent en se lancant des
eclairs.

--Venez par ici, et Rostow entraina Telianine vers la fenetre.... Cet
argent est a Denissow, vous l'avez pris! lui souffla-t-il a l'oreille.

--Quoi? comment... vous osez?≫ Mais dans ces paroles entrecoupees on
sentait qu'il n'y avait plus qu'un appel desespere, une demande de
pardon; les derniers doutes, dont le poids terrible n'avait cesse
d'oppresser le coeur de Rostow, se dissiperent aussitot.

Il en ressentit une grande joie et en meme temps une immense compassion
pour ce malheureux.

≪Il y a du monde ici, Dieu sait ce que l'on pourrait supposer, murmura
Telianine en prenant sa casquette et en se dirigeant vers une autre
chambre qui etait vide.

--Il faut nous expliquer: je le savais et je puis le prouver,≫ repliqua
Rostow, decide a aller jusqu'au bout.

Le visage pale et terrifie du coupable tressaillit; ses yeux allaient
toujours de droite et de gauche, mais sans quitter le plancher et sans
oser se porter plus haut. Quelques sons rauques et inarticules
s'echapperent de sa poitrine.

≪Je vous en supplie, comte, ne me perdez pas, voici l'argent,
prenez-le... mon pere est vieux, ma mere...≫

Et il jeta la bourse sur la table.

Rostow s'en empara et marcha vers la porte sans le regarder; arrive sur
le seuil, il se retourna et revint sur ses pas.

≪Mon Dieu, lui dit-il avec angoisse et les yeux humides, comment
avez-vous pu faire cela?

--Comte!...≫

Et Telianine s'approcha du junker.

≪Ne me touchez pas, s'ecria impetueusement Rostow en se reculant; si
vous en avez besoin, eh bien, tenez, prenez-la.≫ Et, lui jetant la
bourse, il disparut en courant.


V


Le soir meme, une conversation animee avait lieu, dans le logement de
Denissow, entre les officiers de l'escadron.

≪Je vous repete que vous devez presenter vos excuses au colonel, disait
le capitaine en second, Kirstein; le capitaine Kirstein avait des
cheveux grisonnants, d'enormes moustaches, des traits accentues, un
visage ride; redevenu deux fois simple soldat pour affaires d'honneur,
il avait toujours su reconquerir son rang.

--Je ne permettrai a personne de dire que je mens, s'ecria Rostow, le
visage enflamme et tremblant d'emotion.... Il m'a dit que j'en avais
menti, a quoi je lui ai repondu que c'etait lui qui en avait menti....
Cela en restera la!... On peut me mettre de service tous les jours et me
flanquer aux arrets, mais quant a des excuses, c'est autre chose, car si
le colonel juge indigne de lui de me donner satisfaction, alors....

--Mais voyons, ecoutez-moi, dit Kirstein en l'interrompant de sa voix
de basse, et il lissait avec calme ses longues moustaches. Vous lui avez
dit, en presence de plusieurs officiers, qu'un de leurs camarades avait
vole?

--Ce n'est pas ma faute si la conversation a eu lieu devant temoins.
J'ai peut-etre eu tort, mais je ne suis point un diplomate; c'est pour
cela que je suis entre dans les hussards, persuade qu'ici toutes ces
finesses etaient inutiles, et la-dessus il me lance un dementi a la
figure. Eh bien... qu'il me donne satisfaction!

--Tout cela est fort bien, personne ne doute de votre courage, mais la
n'est pas la question. Demandez plutot a Denissow s'il est admissible
que vous, un ≪junker≫, vous puissiez demander satisfaction au chef de
votre regiment?≫

Denissow mordillait sa moustache d'un air sombre, sans prendre part a la
discussion; mais a la question de Kirstein il secoua negativement la
tete.

≪Vous parlez de cette vilenie au colonel devant des officiers?...
Bogdanitch a eu parfaitement raison de vous rappeler a l'ordre.

--Il ne m'a pas rappele a l'ordre, il a pretendu que je ne disais pas la
verite.

--C'est ca, et vous lui avez repondu des betises... vous lui devez donc
des excuses.

--Pas le moins du monde.

--Je ne m'attendais pas a cela de vous, reprit gravement le capitaine en
second, car vous etes coupable non seulement envers lui, mais envers
tout le regiment. Si au moins vous aviez reflechi, si vous aviez pris
conseil avant d'agir, mais non, vous avez eclate, et cela devant les
officiers. Que restait-il a faire au colonel? a mettre l'accuse en
jugement; c'etait imprimer une tache a son regiment et le couvrir de
honte pour un miserable. Ce serait juste selon vous, mais cela nous
deplait a nous, et Bogdanitch est un brave de vous avoir puni. Vous en
etes outre, mais c'est votre faute, vous l'avez cherche, et maintenant
qu'on tache d'etouffer l'affaire, vous continuez a l'ebruiter... et
votre amour-propre vous empeche d'offrir vos excuses a un vieux et
honorable militaire comme notre colonel. Peu vous importe, n'est-ce pas?
Cela vous est bien egal de deshonorer le regiment!--et la voix de
Kirstein trembla legerement--a vous qui n'y passerez peut-etre qu'une
annee et qui demain pouvez etre nomme aide de camp? Mais cela ne nous
est pas indifferent a nous, que l'on dise qu'il y a des voleurs dans le
regiment de Pavlograd; n'est-ce pas, Denissow?≫

Denissow, silencieux et immobile, lancait de temps en temps un coup
d'oeil a Rostow.

≪Nous autres vieux soldats, qui avons grandi avec le regiment et qui
esperons y mourir, son honneur nous tient au coeur, et Bogdanitch le
sait bien. C'est mal, c'est mal; fachez-vous si vous voulez, je n'ai
jamais mache la verite a personne.

--Il a raison, que diable, s'ecria Denissow... eh bien, Rostow, eh
bien!...≫

Rostow, rougissant et palissant tour a tour, portait ses regards de l'un
a l'autre:

≪Non, messieurs, non, ne pensez pas... ne me croyez pas capable de...
l'honneur du regiment m'est aussi cher... et je le prouverai... et
l'honneur du drapeau aussi. Eh bien, oui, j'ai eu tort, completement
tort, que vous faut-il encore?≫

Et ses yeux se mouillerent de larmes.

≪Tres bien, comte, s'ecria Kirstein en se levant et en lui tapant sur
l'epaule avec sa large main.

--Je te le disais bien, dit Denissow, c'est un brave coeur.

--Oui, c'est bien, tres bien, comte, repeta le vieux militaire, en
honorant le ≪junker≫ de son titre, en reconnaissance de son aveu....
Allons, allons, faites vos excuses, Excellence.

--Messieurs, je ferai tout ce que vous voudrez... personne ne m'entendra
plus prononcer un mot la-dessus; mais quant a faire mes excuses, cela
m'est impossible, je vous le jure: j'aurais l'air d'un petit garcon qui
demande pardon.≫

Denissow partit d'un eclat de rire.

≪Tant pis pour vous! Bogdanitch est rancunier; vous payerez cher votre
obstination.

--Je vous le jure, ce n'est pas de l'obstination, je ne puis pas vous
expliquer ce que j'eprouve... je ne le puis pas.

--Eh bien, comme il vous plaira! Et ou est-il, ce miserable? ou s'est-il
cache? demanda Kirstein, en se tournant vers Denissow.

--Il fait le malade, on le portera malade dans l'ordre du jour de
demain.

--Oui, c'est une maladie: impossible de comprendre cela autrement.

--Maladie ou non, je lui conseille de ne pas me tomber sous la main, je
le tuerais,≫ s'ecria Denissow avec fureur.

En ce moment Gerkow entra.

≪Toi! dirent les officiers.

--En marche, messieurs! Mack s'est rendu prisonnier avec toute son
armee.

--Quel canard!

--Je l'ai vu, vu de mes propres yeux.

--Comment, tu as vu Mack vivant, en chair et en os?

--En marche! en marche! vite une bouteille pour la nouvelle qu'il
apporte! Comment es-tu tombe ici?

--On m'a de nouveau renvoye au regiment a cause de ce diable de Mack. Le
general autrichien s'est plaint de ce que je l'avais felicite de
l'arrivee de son superieur. Qu'as-tu donc, Rostow, on dirait que tu sors
du bain?

--Ah! mon cher, c'est un tel gachis ici depuis deux jours!≫

L'aide de camp du regiment entra et confirma les paroles de Gerkow.

Le regiment devait se mettre en marche le lendemain:

≪En marche, messieurs! Dieu merci, plus d'inaction!≫


VI


Koutouzow s'etait replie sur Vienne, en detruisant derriere lui les
ponts sur l'Inn, a Braunau, et sur la Traun, a Lintz. Pendant la journee
du 23 octobre, les troupes passaient la riviere Enns. Les fourgons de
bagages, l'artillerie, les colonnes de troupes traversaient la ville en
defilant des deux cotes du pont. Il faisait un temps d'automne doux et
pluvieux. Le vaste horizon qui se deroulait a la vue, des hauteurs ou
etaient placees les batteries russes pour la defense du pont, tantot se
derobait derriere un rideau de pluie fine et legere qui rayait
l'atmosphere de lignes obliques, tantot s'elargissait lorsqu'un rayon de
soleil illuminait au loin tous les objets, en leur pretant l'eclat du
vernis. La petite ville avec ses blanches maisonnettes aux toits rouges,
sa cathedrale et son pont, des deux cotes duquel se deversait en masses
serrees l'armee russe, etait situee au pied des collines. Au tournant du
Danube, a l'embouchure de l'Enns, on apercevait des barques, une ile,
un chateau avec son parc, entoures des eaux reunies des deux fleuves,
et, sur la rive gauche et rocheuse du Danube, s'etendaient dans le
lointain mysterieux des montagnes verdoyantes, aux defiles bleuatres,
couvertes d'une foret de pins a l'aspect sauvage et impenetrable,
derriere laquelle s'elancaient les tours d'un couvent, et bien loin, sur
la hauteur, on entrevoyait les patrouilles ennemies. En avant de la
batterie, le general commandant l'arriere-garde, accompagne d'un
officier de l'etat-major, examinait le terrain a l'aide d'une
longue-vue; a quelques pas de lui, assis sur l'affut d'un canon,
Nesvitsky, envoye a l'arriere-garde par le general en chef, faisait a
ses camarades les honneurs de ses petits pates arroses de veritable
Doppel-Kummel[14]. Le cosaque qui le suivait lui presentait le flacon et
la cantine, pendant que les officiers l'entouraient gaiement, les uns a
genoux, les autres assis a la turque sur l'herbe mouillee.

≪Pas bete ce prince autrichien qui s'est construit ici un chateau! Quel
charmant endroit! Eh bien, messieurs, vous ne mangez plus!

--Mille remerciements, prince, repondit l'un d'eux, qui trouvait un
plaisir extreme a causer avec un aussi gros bonnet de l'etat-major....

--Le site est ravissant: nous avons cotoye le parc et apercu deux cerfs,
et quel beau chateau!

--Voyez, prince, dit un autre qui, se faisant scrupule d'avaler encore
un petit pate, detourna son interet sur le paysage: voyez, nos
fantassins s'y sont deja introduits; tenez, la-bas derriere le village,
sur cette petite prairie, il y en a trois qui trainent quelque chose.
Ils l'auront bien vite nettoye, ce chateau! ajouta-t-il avec un sourire
d'approbation.

--Oui, oui, dit Nesvitsky, en introduisant un petit pate dans sa grande
et belle bouche aux levres humides. Quant a moi, j'aurais desire
penetrer la dedans, continua-t-il en indiquant les hautes tours du
couvent situe sur la montagne, et ses yeux brillerent en se fermant a
demi.

--Ne serait-ce pas charmant, avouez-le, messieurs?... Pour effrayer ces
nonnettes, j'aurais, ma foi, donne cinq ans de ma vie... des Italiennes,
dit-on, et il y en a de jolies.

--D'autant plus qu'elles s'ennuient a mourir,≫ ajouta un officier plus
hardi que les autres.

Pendant ce temps, l'officier de l'etat-major indiquait quelque chose au
general, qui l'examinait avec sa longue-vue.

≪C'est ca, c'est ca! repondit le general d'un ton de mauvaise humeur, en
abaissant sa lorgnette et en haussant les epaules.... Ils vont tirer
sur les notres!... Comme ils trainent!≫

A l'oeil nu, on distinguait de l'autre cote une batterie ennemie, de
laquelle s'echappait une legere fumee d'un blanc de lait, puis on
entendit un bruit sourd et l'on vit nos troupes hater le pas au passage
de la riviere. Nesvitsky se leva en s'eventant, et s'approcha du
general, le sourire sur les levres.

≪Votre Excellence ne voudrait-elle pas manger un morceau?

--Cela ne va pas, dit le general sans repondre a son invitation, les
notres sont en retard.

--Faut-il y courir, Excellence?

--Oui, allez-y, je vous prie...≫

Et le general lui repeta l'ordre qui avait deja ete donne:

≪Vous direz aux hussards de passer les derniers, de bruler le pont,
comme je l'ai ordonne, et de s'assurer si les matieres inflammables sont
bien placees.

--Tres bien, repondit Nesvitsky;--alors il fit signe au cosaque de lui
amener son cheval et de ranger sa cantine, et hissa legerement son gros
corps en selle.--Ma parole, j'irai voir, en passant, les nonnettes,
dit-il aux officiers, en lancant son cheval sur le sentier sinueux qui
se deroulait au flanc de la montagne.

--Voyons, capitaine, dit le general, en s'adressant a l'artilleur,
tirez, le hasard dirigera vos coups... amusez-vous un peu!

--Les servants a leurs pieces! commanda l'officier, et, un instant
apres, les artilleurs quitterent gaiement leurs feux de bivouac pour
courir aux canons et les charger.

≪N° 1!...≫

Et le N° 1 s'elanca cranement dans l'espace!

Un son metallique et assourdissant retentit: la grenade, en sifflant,
vola par-dessus les tetes des notres et alla tomber bien en avant de
l'ennemi; un leger nuage de fumee indiqua l'endroit de la chute et de
l'explosion. Officiers et soldats s'etaient reveilles a ce bruit, et
tous suivirent avec interet la marche de nos troupes au bas de la
montagne, et celle de l'ennemi qui avancait. Tout se voyait
distinctement. Le son repercute de ce coup solitaire et les rayons
brillants du soleil, dechirant son voile de nuages, se fondirent en une
seule et meme impression d'entrain et de vie.


VII


Deux boulets ennemis avaient passe par-dessus le pont, et sur le pont il
y avait foule. Tout au milieu, appuye contre la balustrade, se tenait le
prince Nesvitsky, riant et regardant son cosaque qui tenait les deux
chevaux un peu en arriere de lui. A peine faisait-il un pas en avant,
que les soldats et les chariots le repoussaient contre le parapet, et il
se remettait a sourire.

≪Eh! la-bas, camarade, disait le cosaque a un soldat qui conduisait un
fourgon, et refoulait l'infanterie massee autour de ses roues.... Eh!
la-bas, attends donc, laisse passer le general!≫

Mais le soldat du train, sans faire la moindre attention au titre de
general, criait contre les hommes qui lui barraient la route:

≪Eh! pays, tire a gauche, gare!...≫

Mais les ≪pays≫, epaule contre epaule, leurs baionnettes
s'entrechoquant, continuaient a marcher en masse compacte. En regardant
au-dessous de lui, le prince Nesvitsky pouvait apercevoir les petites
vagues, rapides et clapotantes de l'Enns, qui, courant l'une sur
l'autre, se confondaient, blanches d'ecume, en se brisant sous l'arche
du pont. En regardant autour de lui, il voyait se succeder des vagues
vivantes de soldats semblables a celles d'en bas, des vagues de shakos
recouverts de leurs fourreaux, de sacs, de fusils aux longues
baionnettes, de visages aux pommettes saillantes, aux joues creuses, a
l'expression insouciante et fatiguee, et de pieds en mouvement foulant
les planches boueuses du pont. Parfois, un officier en manteau se
frayait un passage a travers ces ondes uniformes, comme un jet de la
blanche ecume qui courait sur les eaux de l'Enns. Parfois les ondes de
l'infanterie entrainaient avec elles un hussard a pied, un domestique
militaire, un habitant de la ville, comme de legers morceaux de bois
emportes par le courant; parfois encore, un fourgon d'officier ou de
compagnie, recouvert de cuir de haut en bas, voguait majestueusement,
soutenu par la vague humaine comme une poutre descendant la riviere.

≪Voila!... c'est comme une digue rompue! dit le cosaque, sans pouvoir
avancer.

--Dites donc, y en a-t-il encore beaucoup a passer?

--Un million moins un, repondit un loustic de belle humeur, clignant de
l'oeil et en le frolant de sa capote dechiree. Apres lui venait un vieux
soldat, a l'air sombre, qui disait a son camarade:

≪A present qu'il (l'ennemi) va chauffer le pont, on ne pensera plus a
se gratter!...≫

Et les soldats passaient, et a leur suite venait un fourgon avec un
domestique militaire qui fouillait sous la bache en criant:

≪Ou diable a-t-on fourre le tournevis?...≫

Et celui-la aussi passait son chemin. Puis venaient des soldats en
gaiete, qui avaient quelques gouttes d'eau-de-vie sur la conscience:

≪Comme il lui a bien applique sa crosse droit dans les dents, le cher
homme! disait en ricanant l'un d'eux qui gesticulait, la capote
relevee....

--C'est bien fait pour ce doux jambon!≫ repondit l'autre en riant.

Et ils passerent, en sorte que Nesvitsky ne sut jamais qui avait recu le
coup de crosse, ni a qui s'adressait l'epithete de ≪doux jambon≫.

≪Qu'est-ce qu'ils ont a se depecher? Parce qu'il a tire un coup a
poudre, ils s'imaginent qu'ils vont tous tomber, grommelait un
sous-officier....

--Quand le boulet a siffle a mes oreilles, alors, sais-tu, vieux pere,
j'en ai perdu la respiration.... Quelle frayeur, vrai Dieu! disait un
jeune soldat, dont la grande bouche se fendait jusqu'aux oreilles pour
mieux rire, comme s'il se vantait d'avoir eu peur....

Et celui-la passait aussi. Apres lui venait un chariot qui ne
ressemblait en rien aux precedents. C'etait un attelage a l'allemande, a
deux chevaux, conduit par un homme du pays et trainant une montagne de
choses entassees. Une belle vache pie etait attachee derriere; sur des
edredons empiles se tenaient assises une mere allaitant son enfant, une
vieille femme et une jeune et belle fille aux joues rouges. Ces
emigrants avaient sans doute obtenu un laissez-passer special. Les deux
jeunes femmes, pendant que la voiture marchait a pas lents, avaient
attire l'attention des soldats, qui ne leur menageaient pas les
quolibets:

≪Oh! cette grande saucisse qui demenage aussi!...

--Vends-moi la petite mere, disait un autre a l'Allemand, qui, la tete
inclinee, terrifie et farouche, allongeait le pas.

--S'est-elle attifee? Quelles diablesses!... Cela t'irait, Fedotow,
d'etre loge chez elles? Nous en avons vu, camarade!

--Ou allez-vous?≫ demanda un officier d'infanterie qui mangeait une
pomme.

Et il regarda en souriant la jeune fille. L'Allemand fit signe qu'il ne
comprenait pas:

≪La veux-tu? prends-la, continua l'officier en passant la pomme a la
belle fille, qui l'accepta en souriant. Tous, y compris Nesvitsky,
suivaient des yeux les femmes qui s'eloignaient. Apres elles,
recommencerent le meme defile de soldats, les memes conversations, et
puis tout s'arreta de nouveau, a cause d'un cheval du fourgon de la
compagnie, qui, comme il arrive souvent a la descente d'un pont, s'etait
empetre dans ses traits:

≪Eh bien, qu'est-ce qu'on attend?... Quel desordre!... Ne poussez donc
pas!... Au diable l'impatient! Ce sera bien pis quand il brulera le
pont... et l'officier qu'on ecrase!≫ s'ecrierent des soldats dans la
foule, en se regardant les uns les autres et en se pressant vers la
sortie.

Tout a coup Nesvitsky entendit un bruit tout nouveau pour lui; quelque
chose s'approchait rapidement, quelque chose de grand, qui tomba dans
l'eau avec fracas:

≪Tiens, jusqu'ou ca a vole! dit gravement un soldat en se retournant au
bruit.

--Eh bien, quoi, c'est un encouragement pour nous faire marcher plus
vite,≫ ajouta un autre avec une certaine inquietude.

Nesvitsky comprit qu'il s'agissait d'une bombe.

≪He, cosaque, le cheval! dit-il, et faites place, vous autres, faites
place!≫

Ce ne fut pas sans efforts qu'il atteignit sa monture et qu'il avanca en
lancant des vociferations a droite et a gauche. Les soldats se serrerent
pour lui faire place, mais ils furent aussitot refoules contre lui par
les plus eloignes, et sa jambe fut prise comme dans un etau.

≪Nesvitsky, Nesvitsky, tu es un animal!...≫

Nesvitsky, se retournant au son d'une voix enrouee, vit quinze pas
derriere lui, separe par cette houle vivante de l'infanterie en marche,
Vaska Denissow, les cheveux ebouriffes, la casquette sur la nuque et le
dolman fierement rejete sur l'epaule.

≪Dis donc a ces diables de nous laisser passer, lui cria Denissow avec
colere et en brandissant, de sa petite main aussi rouge que sa figure,
son sabre qu'il avait laisse dans le fourreau.

--Ah! ah! Vaska, repondit joyeusement Nesvitsky... que fais-tu la?

--L'escadron ne peut pas passer, continua-t-il en eperonnant son beau
cheval noir, un Arabe pur sang, dont les oreilles fremissaient a la
piqure accidentelle des baionnettes, et qui, blanc d'ecume, martelant de
ses fers les planches du pont, en aurait franchi le garde-fou si son
cavalier l'eut laisse faire.--Mais, que diable... quels moutons!... de
vrais moutons... arriere!... faites place!... Eh! la-bas du fourgon...
attends... ou je vous sabre tous!...≫

Alors il tira son sabre, et executa un moulinet. Les soldats effrayes se
serrerent, et Denissow put rejoindre Nesvitsky.≫

≪Tu n'es donc pas gris aujourd'hui? lui demanda ce dernier.

--Est-ce qu'on me donne le temps de boire; toute la journee on traine le
regiment de droite et de gauche.... S'il faut se battre, eh bien, qu'on
se batte; sans cela, le diable sait ce qu'on fait!

--Tu es d'une elegance!≫ dit Nesvitsky, en regardant son dolman et la
housse de son cheval.

Denissow sourit, tira de sa sabretache un mouchoir d'ou s'echappait une
odeur parfumee, et le mit sous le nez de son ami.

≪Impossible autrement, car on se battra peut-etre!... Rase, parfume, les dents brossees!...≫

댓글 없음: