Un autre hussard s'etait egalement elance vers le cheval,
mais Bonedareneko avait aussitot saisi le bridon; on voyait que le
≪junker≫ payait bien et qu'il etait avantageux de le servir.
Rostow
caressa doucement sa bete et s'arreta sur le perron pour
la regarder.
≪Bravo, quel cheval cela fera!≫ se dit-il en lui-meme,
et, relevant son sabre, il monta rapidement les quelques marches en faisant
sonner ses eperons.
L'Allemand proprietaire de la maison se montra, en
camisole de laine et en bonnet de coton, a la porte de l'etable, ou il
remuait le fumier avec une fourche.
Sa figure s'eclaira d'un bon
sourire a la vue de Rostow.
≪Bonjour, bonjour, lui dit-il, en rendant son
salut au jeune homme avec un plaisir evident.
--Deja a l'ouvrage, lui
dit Rostow, souriant a son tour, hourra pour l'Autriche, hourra pour les
Russes, hourra pour l'empereur Alexandre!≫ ajouta-t-il en repetant les
exclamations favorites de l'Allemand.
Celui-ci s'avanca en riant, jeta en
l'air son bonnet de coton et s'ecria:
≪Hourra pour toute la
terre!≫
Rostow repeta son hourra, et cependant il n'y avait aucun motif
de se rejouir d'une facon aussi extraordinaire, ni pour l'Allemand
qui nettoyait son etable, ni pour Rostow qui etait alle chercher du
foin avec son peloton. Apres qu'ils eurent ainsi donne un libre cours a
leurs sentiments patriotiques et fraternels, le vieux bonhomme retourna a
son ouvrage, et le jeune junker rentra chez lui.
≪Ou est ton maitre?
demanda-t-il a Lavrouchka, le domestique de Denissow, ruse coquin et connu
pour tel de tout le regiment.
--Il n'est pas encore rentre depuis hier au
soir; il aura probablement perdu, repondit Lavrouchka, car je le connais
bien: quand il gagne, il revient de bonne heure pour s'en vanter; s'il ne
revient pas de toute la nuit, c'est qu'il est en deroute, et alors il est
d'une humeur de chien. Faut-il vous servir le cafe?
--Oui, donne-le et
promptement.≫
Dix minutes plus tard, Lavrouchka apportait le
cafe:
≪Il vient, il vient! gare la bombe!≫
Rostow apercut
effectivement Denissow qui rentrait. C'etait un petit homme, a la figure
enluminee, aux yeux noirs et brillants, aux cheveux noirs et a la moustache
en desordre. Son dolman etait degrafe, son large pantalon tenait a peine et
son shako froisse descendait sur sa nuque. Sombre et soucieux, il
s'approchait la tete basse.
≪Lavrouchka! s'ecria-t-il avec colere et en
grasseyant. Voyons, idiot, ote-moi cela.
--Mais puisque je vous
l'ote!
--Ah! te voila leve! dit Denissow, en entrant dans la
chambre.
--Il y a beau temps... j'ai deja ete au fourrage et j'ai vu
Fraulein Mathilde.
--Ah! Ah! Et moi, mon cher, je me suis enfonce,
comme une triple buse.... Une mauvaise chance du diable! Elle a commence
apres ton depart.... He! du the!≫ cria-t-il d'un air renfrogne.
Puis,
grimacant un sourire qui laissa voir ses dents petites et fortes, il passa
ses doigts dans ses cheveux en broussailles.
≪C'est le diable qui m'a
envoye chez ce Rat (c'etait le surnom donne a l'officier).... Figure-toi...
pas une carte, pas une!...≫
Et Denissow, laissant tomber le feu de sa
pipe, la jeta avec violence sur le plancher, ou elle se brisa en mille
morceaux. Apres avoir reflechi une demi-seconde en regardant gaiement Rostow
de ses yeux noirs et brillants:
≪Si au moins il y avait des femmes,
passe encore, mais il n'y a rien a faire, excepte boire!... Quand donc se
battra-t-on?... He, qui est la? ajouta-t-il, en entendant derriere la porte
un bruit de grosses bottes et d'eperons, accompagne d'une petite toux
respectueuse.
--Le marechal des logis!≫ annonca Lavrouchka. Denissow
s'assombrit encore plus.
≪Ca va mal, dit-il, en jetant a Rostow sa
bourse qui contenait quelques pieces d'or.... Compte, je t'en prie, mon ami,
ce qui me reste, et cache ma bourse sous mon oreiller.≫
Il
sortit.
Rostow s'amusa a mettre en piles egales les pieces d'or de
differente valeur et a les compter machinalement, pendant que la voix de
Denissow se faisait entendre dans la piece voisine:
≪Ah! Telianine,
bonjour; je me suis enfonce hier!
--Chez qui?
--Chez
Bykow.
--Chez le Rat, je le sais,≫ dit une autre voix flutee.
Et
le lieutenant Telianine, petit officier du meme escadron, entra au meme
moment dans la chambre ou se trouvait Rostow. Celui-ci, jetant la bourse sous
l'oreiller, serra la main moite qui lui etait tendue. Telianine avait ete
renvoye de la garde peu temps avant la campagne; sa conduite etait maintenant
exempte de tout reproche, et cependant il n'etait pas aime. Rostow surtout ne
pouvait ni surmonter ni cacher l'antipathie involontaire qu'il lui
inspirait.
≪Eh bien, jeune cavalier, etes-vous content de mon petit
Corbeau?≫ (c'etait le nom du cheval vendu a Rostow). Le lieutenant ne
regardait jamais en face la personne a laquelle il parlait, et ses yeux
allaient sans cesse d'un objet a un autre....
≪Je vous ai vu le monter
ce matin.
--Mais il n'a rien de particulier, c'est un bon cheval,
repondit Rostow, qui savait fort bien que cette bete payee sept cents roubles
n'en valait pas la moitie.... Il boite un peu de la jambe gauche de
devant.
--C'est le sabot qui se sera fendu: ce n'est rien, je vous
apprendrai a y mettre un rivet.
--Oui, apprenez-le-moi.
--Oh!
c'est bien facile, ce n'est pas un secret; quant au cheval, vous m'en
remercierez.
--Je vais le faire amener,≫ dit aussitot Rostow pour se
debarrasser de Telianine.
Et il sortit.
Denissow, assis par
terre dans la piece d'entree, les jambes croisees, la pipe a la bouche,
ecoutait le rapport du marechal des logis. A la vue de Rostow, il fit une
grimace, en lui indiquant du doigt par-dessus son epaule, avec une expression
de degout, la chambre ou etait Telianine:
≪Je n'aime pas ce garcon-la,≫
dit-il sans s'inquieter de la presence de son subordonne.
Rostow
haussa les epaules comme pour dire:
≪Moi non plus, mais qu'y
faire?≫
Et, ayant donne ses ordres, il retourna aupres de l'officier, qui
etait nonchalamment occupe a frotter ses petites mains blanches:
≪Et
dire qu'il existe des figures aussi antipathiques!≫ pensa Rostow.
≪Eh
bien, avez-vous fait amener le cheval? demanda Telianine, en se levant et en
jetant autour de lui un regard indifferent.
--Oui, a
l'instant.
--C'est bien... je n'etais entre que pour demander a Denissow
s'il avait recu l'ordre du jour d'hier; l'avez-vous recu,
Denissow?
--Non, pas encore; ou allez-vous?
--Mais je vais aller
montrer a ce jeune homme comment on ferre un cheval.≫
Ils entrerent
dans l'ecurie, et, sa besogne faite, le lieutenant retourna chez
lui.
Denissow, assis a une table sur laquelle on avait pose une
bouteille d'eau-de-vie et un saucisson, etait en train d'ecrire. Sa plume
criait et crachait sur le papier. Quand Rostow entra, il le regarda d'un
air sombre:
≪C'est a elle que j'ecris...≫
Et, s'accoudant sur
la table sans lacher sa plume, comme s'il saisissait avec joie l'occasion de
dire tout haut ce qu'il voulait mettre par ecrit, il lui detailla le contenu
de son epitre:
≪Vois-tu, mon ami, on ne vit pas, on dort quand on n'a pas
un amour dans le coeur. Nous sommes les enfants de la poussiere, mais,
lorsqu'on aime, on devient Dieu, on devient pur comme au premier jour de la
creation!... Qui va la? Envoie-le au diable, je n'ai pas le
temps!≫
Mais Lavrouchka s'approcha de lui sans se deconcerter:
≪Ce
n'est personne, c'est le marechal des logis a qui vous avez dit de venir
chercher l'argent.≫
Denissow fit un geste d'impatience aussitot
reprime:
≪Mauvaise affaire, grommela-t-il.... Dis donc, Rostow, combien y
a-t-il dans ma bourse?
--Sept pieces neuves et trois
vieilles.
--Ah! mauvaise affaire! Que fais-tu la plante comme une borne?
Va chercher le marechal des logis!
--Denissow, je t'en prie, s'ecria
Rostow en rougissant, prends de mon argent, tu sais que j'en ai.
--Je
n'aime pas a emprunter aux amis. Non, je n'aime pas cela.
--Si tu ne me
traites pas en camarade, tu m'offenseras serieusement; j'en ai, je t'assure,
repeta Rostow.
--Mais non, je te le repete...≫
Denissow s'approcha
du lit pour retirer sa bourse de dessous l'oreiller:
≪Ou l'as-tu
cachee?
--Sous le dernier oreiller.
--Elle n'y est
pas!...≫
Et Denissow jeta les deux oreillers par terre.
≪C'est
vraiment inoui!
--Tu l'auras fait tomber, attends, dit Rostow, en
secouant les oreillers a son tour et en rejetant egalement de cote la
couverture.... Pas de bourse!... Aurais-je donc oublie? Mais non, puisque
j'ai meme pense que tu la gardais sous ta tete comme un tresor. Je l'ai bien
mise la pourtant; ou est-elle donc? ajouta-t-il en se tournant vers
Lavrouchka.
--Elle doit etre la ou vous l'avez laissee, car je ne suis
pas entre!
--Et je te dis qu'elle n'y est pas.
--C'est toujours la
meme histoire... vous oubliez toujours ou vous mettez les choses... regardez
dans vos poches.
--Mais non, te dis-je, puisque j'ai pense au tresor...
je me rappelle tres bien que je l'ai mise la.≫
Lavrouchka defit
entierement le lit, regarda partout, fureta dans tous les coins, et s'arreta
au beau milieu de la chambre, en etendant les bras avec stupefaction.
Denissow, qui avait suivi tous ses mouvements en silence, se tourna a ce
geste vers Rostow:
≪Voyons, Rostow, cesse de plaisanter!≫
Rostow,
en sentant peser sur lui le regard de son ami, releva les yeux et les baissa
aussitot. Son visage devint pourpre et la respiration lui manqua.
≪Il
n'y a eu ici que le lieutenant et vous deux, donc elle doit y etre! dit
Lavrouchka.
--Eh bien, alors, poupee du diable, remue-toi... cherche,
s'ecria Denissow devenu cramoisi, et le menacant du poing: il, faut qu'elle
se trouve, sans cela je te cravacherai... je vous cravacherai
tous!...≫
Rostow boutonna sa veste, agrafa son ceinturon et prit sa
casquette.
≪Trouve-la, te dis-je, continuait Denissow en secouant son
domestique et en le poussant violemment contre la
muraille.
--Laisse-le, Denissow, je sais qui l'a prise...≫
Et
Rostow se dirigea vers la porte, les yeux toujours baisses. Denissow, ayant
subitement compris son allusion, s'arreta et lui saisit la main:
≪Quelle
betise! s'ecria-t-il si fortement que les veines de son cou et de son front
se tendirent comme des cordes. Tu deviens fou, je crois... la bourse est ici,
j'ecorcherai vif ce miserable et elle se retrouvera.
--Je sais qui l'a
prise, repeta Rostow d'une voix etranglee.
--Et moi, je te defends...≫
s'ecria Denissow.
Mais Rostow s'arracha avec colere a son
etreinte.
≪Tu ne comprends donc pas, lui dit-il, en le regardant droit et
ferme dans les yeux, tu ne comprends donc pas ce que tu me dis? Il n'y
avait que moi ici; donc, si ce n'est pas l'autre, c'est... et il se
precipita hors de la chambre sans achever sa phrase.
--Ah! que le
diable t'emporte, toi et tout le reste!≫
Ce furent les dernieres paroles
qui arriverent aux oreilles de Rostow; peu d'instants apres il entrait dans
le logement de Telianine.
≪Mon maitre n'est pas a la maison, lui dit le
domestique, il est alle a l'etat-major.... Est-il arrive quelque chose?
ajouta-t-il, en remarquant la figure bouleversee du junker.
--Non,
rien!
--Vous l'avez manque de peu.≫
Sans rentrer chez lui, Rostow
monta a cheval et se rendit a l'etat-major, qui etait etabli a trois verstes
de Saltzeneck; il y avait la un petit ≪traktir≫ ou se reunissaient les
officiers. Arrive devant la porte, il y vit attache le cheval de Telianine;
le jeune officier etait attable dans la chambre du fond devant un plat de
saucisses et une bouteille de vin.
≪Ah! vous voila aussi, jeune
adolescent, dit-il en souriant et en elevant ses sourcils.
--Oui,≫ dit
Rostow avec effort, et il s'assit a une table voisine, a cote de deux
Allemands et d'un officier russe.
Tous gardaient le silence, on
n'entendait que le cliquetis des couteaux. Ayant fini de dejeuner, le
lieutenant tira de sa poche une longue bourse, en fit glisser les coulants de
ses petits doigts blancs et recourbes a la poulaine, y prit une piece d'or et
la tendit au garcon.
≪Depechez-vous, dit-il.
--Permettez-moi
d'examiner cette bourse,≫ murmura Rostow en s'approchant.
Telianine,
dont les yeux, comme d'habitude, ne se fixaient nulle part, la lui
passa.
≪Elle est jolie, n'est-ce pas? dit-il en palissant legerement...
voyez, jeune homme.≫
Le regard de Rostow se porta alternativement sur
la bourse et sur le lieutenant.
≪Tout cela restera a Vienne, si nous y
arrivons, car ici, dans ces vilains petits trous, on ne peut guere depenser
son argent, ajouta-t-il avec une gaiete forcee.... Rendez-la-moi, je m'en
vais.≫
Rostow se taisait.
≪Eh bien, et vous, vous allez dejeuner?
On mange assez bien ici, mais, voyons, rendez-la-moi donc...≫
Et il
etendit la main pour prendre la bourse.
Le junker la lacha et le
lieutenant la glissa doucement dans la poche de son pantalon; il releva ses
sourcils avec negligence, et sa bouche s'entr'ouvrit comme pour dire: ≪Oui,
c'est ma bourse; elle rentre dans ma poche, c'est tout simple, et personne
n'a rien a y voir...≫
≪Eh bien, dit-il, et leurs regards se croiserent en
se lancant des eclairs.
--Venez par ici, et Rostow entraina Telianine
vers la fenetre.... Cet argent est a Denissow, vous l'avez pris! lui
souffla-t-il a l'oreille.
--Quoi? comment... vous osez?≫ Mais dans ces
paroles entrecoupees on sentait qu'il n'y avait plus qu'un appel desespere,
une demande de pardon; les derniers doutes, dont le poids terrible n'avait
cesse d'oppresser le coeur de Rostow, se dissiperent aussitot.
Il en
ressentit une grande joie et en meme temps une immense compassion pour ce
malheureux.
≪Il y a du monde ici, Dieu sait ce que l'on pourrait
supposer, murmura Telianine en prenant sa casquette et en se dirigeant vers
une autre chambre qui etait vide.
--Il faut nous expliquer: je le
savais et je puis le prouver,≫ repliqua Rostow, decide a aller jusqu'au
bout.
Le visage pale et terrifie du coupable tressaillit; ses yeux
allaient toujours de droite et de gauche, mais sans quitter le plancher et
sans oser se porter plus haut. Quelques sons rauques et
inarticules s'echapperent de sa poitrine.
≪Je vous en supplie, comte,
ne me perdez pas, voici l'argent, prenez-le... mon pere est vieux, ma
mere...≫
Et il jeta la bourse sur la table.
Rostow s'en empara et
marcha vers la porte sans le regarder; arrive sur le seuil, il se retourna et
revint sur ses pas.
≪Mon Dieu, lui dit-il avec angoisse et les yeux
humides, comment avez-vous pu faire cela?
--Comte!...≫
Et
Telianine s'approcha du junker.
≪Ne me touchez pas, s'ecria
impetueusement Rostow en se reculant; si vous en avez besoin, eh bien, tenez,
prenez-la.≫ Et, lui jetant la bourse, il disparut en
courant.
V
Le soir meme, une conversation animee avait
lieu, dans le logement de Denissow, entre les officiers de
l'escadron.
≪Je vous repete que vous devez presenter vos excuses au
colonel, disait le capitaine en second, Kirstein; le capitaine Kirstein avait
des cheveux grisonnants, d'enormes moustaches, des traits accentues,
un visage ride; redevenu deux fois simple soldat pour affaires
d'honneur, il avait toujours su reconquerir son rang.
--Je ne
permettrai a personne de dire que je mens, s'ecria Rostow, le visage enflamme
et tremblant d'emotion.... Il m'a dit que j'en avais menti, a quoi je lui ai
repondu que c'etait lui qui en avait menti.... Cela en restera la!... On peut
me mettre de service tous les jours et me flanquer aux arrets, mais quant a
des excuses, c'est autre chose, car si le colonel juge indigne de lui de me
donner satisfaction, alors....
--Mais voyons, ecoutez-moi, dit Kirstein
en l'interrompant de sa voix de basse, et il lissait avec calme ses longues
moustaches. Vous lui avez dit, en presence de plusieurs officiers, qu'un de
leurs camarades avait vole?
--Ce n'est pas ma faute si la conversation
a eu lieu devant temoins. J'ai peut-etre eu tort, mais je ne suis point un
diplomate; c'est pour cela que je suis entre dans les hussards, persuade
qu'ici toutes ces finesses etaient inutiles, et la-dessus il me lance un
dementi a la figure. Eh bien... qu'il me donne satisfaction!
--Tout
cela est fort bien, personne ne doute de votre courage, mais la n'est pas la
question. Demandez plutot a Denissow s'il est admissible que vous, un
≪junker≫, vous puissiez demander satisfaction au chef de votre
regiment?≫
Denissow mordillait sa moustache d'un air sombre, sans prendre
part a la discussion; mais a la question de Kirstein il secoua negativement
la tete.
≪Vous parlez de cette vilenie au colonel devant des
officiers?... Bogdanitch a eu parfaitement raison de vous rappeler a
l'ordre.
--Il ne m'a pas rappele a l'ordre, il a pretendu que je ne
disais pas la verite.
--C'est ca, et vous lui avez repondu des
betises... vous lui devez donc des excuses.
--Pas le moins du
monde.
--Je ne m'attendais pas a cela de vous, reprit gravement le
capitaine en second, car vous etes coupable non seulement envers lui, mais
envers tout le regiment. Si au moins vous aviez reflechi, si vous aviez
pris conseil avant d'agir, mais non, vous avez eclate, et cela devant
les officiers. Que restait-il a faire au colonel? a mettre l'accuse
en jugement; c'etait imprimer une tache a son regiment et le couvrir
de honte pour un miserable. Ce serait juste selon vous, mais cela
nous deplait a nous, et Bogdanitch est un brave de vous avoir puni. Vous
en etes outre, mais c'est votre faute, vous l'avez cherche, et
maintenant qu'on tache d'etouffer l'affaire, vous continuez a l'ebruiter...
et votre amour-propre vous empeche d'offrir vos excuses a un vieux
et honorable militaire comme notre colonel. Peu vous importe, n'est-ce
pas? Cela vous est bien egal de deshonorer le regiment!--et la voix
de Kirstein trembla legerement--a vous qui n'y passerez peut-etre
qu'une annee et qui demain pouvez etre nomme aide de camp? Mais cela ne
nous est pas indifferent a nous, que l'on dise qu'il y a des voleurs dans
le regiment de Pavlograd; n'est-ce pas, Denissow?≫
Denissow,
silencieux et immobile, lancait de temps en temps un coup d'oeil a
Rostow.
≪Nous autres vieux soldats, qui avons grandi avec le regiment et
qui esperons y mourir, son honneur nous tient au coeur, et Bogdanitch
le sait bien. C'est mal, c'est mal; fachez-vous si vous voulez, je
n'ai jamais mache la verite a personne.
--Il a raison, que diable,
s'ecria Denissow... eh bien, Rostow, eh bien!...≫
Rostow, rougissant
et palissant tour a tour, portait ses regards de l'un a l'autre:
≪Non,
messieurs, non, ne pensez pas... ne me croyez pas capable de... l'honneur du
regiment m'est aussi cher... et je le prouverai... et l'honneur du drapeau
aussi. Eh bien, oui, j'ai eu tort, completement tort, que vous faut-il
encore?≫
Et ses yeux se mouillerent de larmes.
≪Tres bien, comte,
s'ecria Kirstein en se levant et en lui tapant sur l'epaule avec sa large
main.
--Je te le disais bien, dit Denissow, c'est un brave
coeur.
--Oui, c'est bien, tres bien, comte, repeta le vieux militaire,
en honorant le ≪junker≫ de son titre, en reconnaissance de son
aveu.... Allons, allons, faites vos excuses, Excellence.
--Messieurs,
je ferai tout ce que vous voudrez... personne ne m'entendra plus prononcer un
mot la-dessus; mais quant a faire mes excuses, cela m'est impossible, je vous
le jure: j'aurais l'air d'un petit garcon qui demande
pardon.≫
Denissow partit d'un eclat de rire.
≪Tant pis pour vous!
Bogdanitch est rancunier; vous payerez cher votre obstination.
--Je
vous le jure, ce n'est pas de l'obstination, je ne puis pas vous expliquer ce
que j'eprouve... je ne le puis pas.
--Eh bien, comme il vous plaira! Et
ou est-il, ce miserable? ou s'est-il cache? demanda Kirstein, en se tournant
vers Denissow.
--Il fait le malade, on le portera malade dans l'ordre du
jour de demain.
--Oui, c'est une maladie: impossible de comprendre
cela autrement.
--Maladie ou non, je lui conseille de ne pas me tomber
sous la main, je le tuerais,≫ s'ecria Denissow avec fureur.
En ce
moment Gerkow entra.
≪Toi! dirent les officiers.
--En marche,
messieurs! Mack s'est rendu prisonnier avec toute son armee.
--Quel
canard!
--Je l'ai vu, vu de mes propres yeux.
--Comment, tu as vu
Mack vivant, en chair et en os?
--En marche! en marche! vite une
bouteille pour la nouvelle qu'il apporte! Comment es-tu tombe
ici?
--On m'a de nouveau renvoye au regiment a cause de ce diable de
Mack. Le general autrichien s'est plaint de ce que je l'avais felicite
de l'arrivee de son superieur. Qu'as-tu donc, Rostow, on dirait que tu
sors du bain?
--Ah! mon cher, c'est un tel gachis ici depuis deux
jours!≫
L'aide de camp du regiment entra et confirma les paroles de
Gerkow.
Le regiment devait se mettre en marche le lendemain:
≪En
marche, messieurs! Dieu merci, plus
d'inaction!≫
VI
Koutouzow s'etait replie sur Vienne, en
detruisant derriere lui les ponts sur l'Inn, a Braunau, et sur la Traun, a
Lintz. Pendant la journee du 23 octobre, les troupes passaient la riviere
Enns. Les fourgons de bagages, l'artillerie, les colonnes de troupes
traversaient la ville en defilant des deux cotes du pont. Il faisait un temps
d'automne doux et pluvieux. Le vaste horizon qui se deroulait a la vue, des
hauteurs ou etaient placees les batteries russes pour la defense du pont,
tantot se derobait derriere un rideau de pluie fine et legere qui
rayait l'atmosphere de lignes obliques, tantot s'elargissait lorsqu'un rayon
de soleil illuminait au loin tous les objets, en leur pretant l'eclat
du vernis. La petite ville avec ses blanches maisonnettes aux toits
rouges, sa cathedrale et son pont, des deux cotes duquel se deversait en
masses serrees l'armee russe, etait situee au pied des collines. Au tournant
du Danube, a l'embouchure de l'Enns, on apercevait des barques, une
ile, un chateau avec son parc, entoures des eaux reunies des deux
fleuves, et, sur la rive gauche et rocheuse du Danube, s'etendaient dans
le lointain mysterieux des montagnes verdoyantes, aux defiles
bleuatres, couvertes d'une foret de pins a l'aspect sauvage et
impenetrable, derriere laquelle s'elancaient les tours d'un couvent, et bien
loin, sur la hauteur, on entrevoyait les patrouilles ennemies. En avant de
la batterie, le general commandant l'arriere-garde, accompagne
d'un officier de l'etat-major, examinait le terrain a l'aide
d'une longue-vue; a quelques pas de lui, assis sur l'affut d'un
canon, Nesvitsky, envoye a l'arriere-garde par le general en chef, faisait
a ses camarades les honneurs de ses petits pates arroses de
veritable Doppel-Kummel[14]. Le cosaque qui le suivait lui presentait le
flacon et la cantine, pendant que les officiers l'entouraient gaiement, les
uns a genoux, les autres assis a la turque sur l'herbe mouillee.
≪Pas
bete ce prince autrichien qui s'est construit ici un chateau! Quel charmant
endroit! Eh bien, messieurs, vous ne mangez plus!
--Mille remerciements,
prince, repondit l'un d'eux, qui trouvait un plaisir extreme a causer avec un
aussi gros bonnet de l'etat-major....
--Le site est ravissant: nous avons
cotoye le parc et apercu deux cerfs, et quel beau chateau!
--Voyez,
prince, dit un autre qui, se faisant scrupule d'avaler encore un petit pate,
detourna son interet sur le paysage: voyez, nos fantassins s'y sont deja
introduits; tenez, la-bas derriere le village, sur cette petite prairie, il y
en a trois qui trainent quelque chose. Ils l'auront bien vite nettoye, ce
chateau! ajouta-t-il avec un sourire d'approbation.
--Oui, oui, dit
Nesvitsky, en introduisant un petit pate dans sa grande et belle bouche aux
levres humides. Quant a moi, j'aurais desire penetrer la dedans,
continua-t-il en indiquant les hautes tours du couvent situe sur la montagne,
et ses yeux brillerent en se fermant a demi.
--Ne serait-ce pas
charmant, avouez-le, messieurs?... Pour effrayer ces nonnettes, j'aurais, ma
foi, donne cinq ans de ma vie... des Italiennes, dit-on, et il y en a de
jolies.
--D'autant plus qu'elles s'ennuient a mourir,≫ ajouta un officier
plus hardi que les autres.
Pendant ce temps, l'officier de
l'etat-major indiquait quelque chose au general, qui l'examinait avec sa
longue-vue.
≪C'est ca, c'est ca! repondit le general d'un ton de mauvaise
humeur, en abaissant sa lorgnette et en haussant les epaules.... Ils vont
tirer sur les notres!... Comme ils trainent!≫
A l'oeil nu, on
distinguait de l'autre cote une batterie ennemie, de laquelle s'echappait une
legere fumee d'un blanc de lait, puis on entendit un bruit sourd et l'on vit
nos troupes hater le pas au passage de la riviere. Nesvitsky se leva en
s'eventant, et s'approcha du general, le sourire sur les
levres.
≪Votre Excellence ne voudrait-elle pas manger un
morceau?
--Cela ne va pas, dit le general sans repondre a son invitation,
les notres sont en retard.
--Faut-il y courir,
Excellence?
--Oui, allez-y, je vous prie...≫
Et le general lui
repeta l'ordre qui avait deja ete donne:
≪Vous direz aux hussards de
passer les derniers, de bruler le pont, comme je l'ai ordonne, et de
s'assurer si les matieres inflammables sont bien placees.
--Tres bien,
repondit Nesvitsky;--alors il fit signe au cosaque de lui amener son cheval
et de ranger sa cantine, et hissa legerement son gros corps en selle.--Ma
parole, j'irai voir, en passant, les nonnettes, dit-il aux officiers, en
lancant son cheval sur le sentier sinueux qui se deroulait au flanc de la
montagne.
--Voyons, capitaine, dit le general, en s'adressant a
l'artilleur, tirez, le hasard dirigera vos coups... amusez-vous un
peu!
--Les servants a leurs pieces! commanda l'officier, et, un
instant apres, les artilleurs quitterent gaiement leurs feux de bivouac
pour courir aux canons et les charger.
≪N° 1!...≫
Et le N° 1
s'elanca cranement dans l'espace!
Un son metallique et assourdissant
retentit: la grenade, en sifflant, vola par-dessus les tetes des notres et
alla tomber bien en avant de l'ennemi; un leger nuage de fumee indiqua
l'endroit de la chute et de l'explosion. Officiers et soldats s'etaient
reveilles a ce bruit, et tous suivirent avec interet la marche de nos troupes
au bas de la montagne, et celle de l'ennemi qui avancait. Tout se
voyait distinctement. Le son repercute de ce coup solitaire et les
rayons brillants du soleil, dechirant son voile de nuages, se fondirent en
une seule et meme impression d'entrain et de
vie.
VII
Deux boulets ennemis avaient passe par-dessus le
pont, et sur le pont il y avait foule. Tout au milieu, appuye contre la
balustrade, se tenait le prince Nesvitsky, riant et regardant son cosaque qui
tenait les deux chevaux un peu en arriere de lui. A peine faisait-il un pas
en avant, que les soldats et les chariots le repoussaient contre le parapet,
et il se remettait a sourire.
≪Eh! la-bas, camarade, disait le cosaque
a un soldat qui conduisait un fourgon, et refoulait l'infanterie massee
autour de ses roues.... Eh! la-bas, attends donc, laisse passer le
general!≫
Mais le soldat du train, sans faire la moindre attention au
titre de general, criait contre les hommes qui lui barraient la
route:
≪Eh! pays, tire a gauche, gare!...≫
Mais les ≪pays≫, epaule
contre epaule, leurs baionnettes s'entrechoquant, continuaient a marcher en
masse compacte. En regardant au-dessous de lui, le prince Nesvitsky pouvait
apercevoir les petites vagues, rapides et clapotantes de l'Enns, qui, courant
l'une sur l'autre, se confondaient, blanches d'ecume, en se brisant sous
l'arche du pont. En regardant autour de lui, il voyait se succeder des
vagues vivantes de soldats semblables a celles d'en bas, des vagues de
shakos recouverts de leurs fourreaux, de sacs, de fusils aux
longues baionnettes, de visages aux pommettes saillantes, aux joues creuses,
a l'expression insouciante et fatiguee, et de pieds en mouvement
foulant les planches boueuses du pont. Parfois, un officier en manteau
se frayait un passage a travers ces ondes uniformes, comme un jet de
la blanche ecume qui courait sur les eaux de l'Enns. Parfois les ondes
de l'infanterie entrainaient avec elles un hussard a pied, un
domestique militaire, un habitant de la ville, comme de legers morceaux de
bois emportes par le courant; parfois encore, un fourgon d'officier ou
de compagnie, recouvert de cuir de haut en bas, voguait
majestueusement, soutenu par la vague humaine comme une poutre descendant la
riviere.
≪Voila!... c'est comme une digue rompue! dit le cosaque, sans
pouvoir avancer.
--Dites donc, y en a-t-il encore beaucoup a
passer?
--Un million moins un, repondit un loustic de belle humeur,
clignant de l'oeil et en le frolant de sa capote dechiree. Apres lui venait
un vieux soldat, a l'air sombre, qui disait a son camarade:
≪A present
qu'il (l'ennemi) va chauffer le pont, on ne pensera plus a se
gratter!...≫
Et les soldats passaient, et a leur suite venait un fourgon
avec un domestique militaire qui fouillait sous la bache en
criant:
≪Ou diable a-t-on fourre le tournevis?...≫
Et celui-la
aussi passait son chemin. Puis venaient des soldats en gaiete, qui avaient
quelques gouttes d'eau-de-vie sur la conscience:
≪Comme il lui a bien
applique sa crosse droit dans les dents, le cher homme! disait en ricanant
l'un d'eux qui gesticulait, la capote relevee....
--C'est bien fait
pour ce doux jambon!≫ repondit l'autre en riant.
Et ils passerent, en
sorte que Nesvitsky ne sut jamais qui avait recu le coup de crosse, ni a qui
s'adressait l'epithete de ≪doux jambon≫.
≪Qu'est-ce qu'ils ont a se
depecher? Parce qu'il a tire un coup a poudre, ils s'imaginent qu'ils vont
tous tomber, grommelait un sous-officier....
--Quand le boulet a
siffle a mes oreilles, alors, sais-tu, vieux pere, j'en ai perdu la
respiration.... Quelle frayeur, vrai Dieu! disait un jeune soldat, dont la
grande bouche se fendait jusqu'aux oreilles pour mieux rire, comme s'il se
vantait d'avoir eu peur....
Et celui-la passait aussi. Apres lui venait
un chariot qui ne ressemblait en rien aux precedents. C'etait un attelage a
l'allemande, a deux chevaux, conduit par un homme du pays et trainant une
montagne de choses entassees. Une belle vache pie etait attachee derriere;
sur des edredons empiles se tenaient assises une mere allaitant son enfant,
une vieille femme et une jeune et belle fille aux joues rouges.
Ces emigrants avaient sans doute obtenu un laissez-passer special. Les
deux jeunes femmes, pendant que la voiture marchait a pas lents,
avaient attire l'attention des soldats, qui ne leur menageaient pas
les quolibets:
≪Oh! cette grande saucisse qui demenage
aussi!...
--Vends-moi la petite mere, disait un autre a l'Allemand, qui,
la tete inclinee, terrifie et farouche, allongeait le
pas.
--S'est-elle attifee? Quelles diablesses!... Cela t'irait,
Fedotow, d'etre loge chez elles? Nous en avons vu, camarade!
--Ou
allez-vous?≫ demanda un officier d'infanterie qui mangeait
une pomme.
Et il regarda en souriant la jeune fille. L'Allemand fit
signe qu'il ne comprenait pas:
≪La veux-tu? prends-la, continua
l'officier en passant la pomme a la belle fille, qui l'accepta en souriant.
Tous, y compris Nesvitsky, suivaient des yeux les femmes qui s'eloignaient.
Apres elles, recommencerent le meme defile de soldats, les memes
conversations, et puis tout s'arreta de nouveau, a cause d'un cheval du
fourgon de la compagnie, qui, comme il arrive souvent a la descente d'un
pont, s'etait empetre dans ses traits:
≪Eh bien, qu'est-ce qu'on
attend?... Quel desordre!... Ne poussez donc pas!... Au diable l'impatient!
Ce sera bien pis quand il brulera le pont... et l'officier qu'on ecrase!≫
s'ecrierent des soldats dans la foule, en se regardant les uns les autres et
en se pressant vers la sortie.
Tout a coup Nesvitsky entendit un bruit
tout nouveau pour lui; quelque chose s'approchait rapidement, quelque chose
de grand, qui tomba dans l'eau avec fracas:
≪Tiens, jusqu'ou ca a
vole! dit gravement un soldat en se retournant au bruit.
--Eh bien,
quoi, c'est un encouragement pour nous faire marcher plus vite,≫ ajouta un
autre avec une certaine inquietude.
Nesvitsky comprit qu'il s'agissait
d'une bombe.
≪He, cosaque, le cheval! dit-il, et faites place, vous
autres, faites place!≫
Ce ne fut pas sans efforts qu'il atteignit sa
monture et qu'il avanca en lancant des vociferations a droite et a gauche.
Les soldats se serrerent pour lui faire place, mais ils furent aussitot
refoules contre lui par les plus eloignes, et sa jambe fut prise comme dans
un etau.
≪Nesvitsky, Nesvitsky, tu es un animal!...≫
Nesvitsky, se
retournant au son d'une voix enrouee, vit quinze pas derriere lui, separe par
cette houle vivante de l'infanterie en marche, Vaska Denissow, les cheveux
ebouriffes, la casquette sur la nuque et le dolman fierement rejete sur
l'epaule.
≪Dis donc a ces diables de nous laisser passer, lui cria
Denissow avec colere et en brandissant, de sa petite main aussi rouge que sa
figure, son sabre qu'il avait laisse dans le fourreau.
--Ah! ah!
Vaska, repondit joyeusement Nesvitsky... que fais-tu la?
--L'escadron ne
peut pas passer, continua-t-il en eperonnant son beau cheval noir, un Arabe
pur sang, dont les oreilles fremissaient a la piqure accidentelle des
baionnettes, et qui, blanc d'ecume, martelant de ses fers les planches du
pont, en aurait franchi le garde-fou si son cavalier l'eut laisse
faire.--Mais, que diable... quels moutons!... de vrais moutons... arriere!...
faites place!... Eh! la-bas du fourgon... attends... ou je vous sabre
tous!...≫
Alors il tira son sabre, et executa un moulinet. Les soldats
effrayes se serrerent, et Denissow put rejoindre Nesvitsky.≫
≪Tu n'es
donc pas gris aujourd'hui? lui demanda ce dernier.
--Est-ce qu'on me
donne le temps de boire; toute la journee on traine le regiment de droite et
de gauche.... S'il faut se battre, eh bien, qu'on se batte; sans cela, le
diable sait ce qu'on fait!
--Tu es d'une elegance!≫ dit Nesvitsky, en
regardant son dolman et la housse de son cheval.
Denissow sourit, tira
de sa sabretache un mouchoir d'ou s'echappait une odeur parfumee, et le mit
sous le nez de son ami.
≪Impossible autrement, car on se battra
peut-etre!... Rase, parfume, les dents
brossees!...≫ |
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