2015년 9월 9일 수요일

Pensées d'une amazone 18

Pensées d'une amazone 18


Les hommes faciles ont aussi leurs flatteuses fidélités. Il y en a
qui n'ont jamais donné Son Nom à d'autres femmes, sauf aux moments où
l'habitude ou le désir triomphent de l'attention. Cela est flatteur
pour qui? «L'enfant de volupté» n'a pas su nous le dire. Confondre
dispenserait de choisir; mais est-ce bien voluptueux?
 
(Shakespeare aussi faisait dans ses pièces de ces erreurs de
sensualité, mais le théâtre a peut-être de ces exigences...)
 
 
_Esthétisme._--Une chambre bleu-âme, une buée d'encens montant en
spirales des narines d'un bouddha, de l'étagère en bois ancien des
roses s'effeuillant sur un lit soutenu par des chimères sculptées,
un miroir où refléter les songes; sur un prie-Dieu, en désordre, des
livres rares, d'où émerge ... ô erreur, ô confusion! une réclame de
cure radicale contre «les cas les plus opiniâtres...»
 
Sa machine à écrire ponctuant le silence.
 
L'amant, ce sommelier ... de service de jour et de nuit...
 
 
 
 
PETITES DIVINITÉS
 
 
Elle aimait la guerre, et l'amour, et les religions nouvelles; tout
ce qui pouvait créer des héros ou des dieux, ou des martyrs, ou des
hommes, tout ce qui tend la vie vers un courage qui la dépasse, tout
ce qui rend la vie vivante.
 
«Ne plus m'aimer, lui disait-elle, c'est vous amoindrir par l'oubli de
la divinité que je suis.»
 
Elle se vêtait de couleurs si délicates qu'elles ne se percevaient plus
à la lumière artificielle. Le ton de ses joues ne s'avivait qu'au jeu
des ombres diurnes. La nuit la blanchissait et la confondait parmi ses
rayons, et dans l'éclairage des maisons elle errait avec la survivance
trouble d'un fantôme.
 
Qu'elle que fut la grossièreté des êtres qui croyaient l'avoir tenue
dans leur étreinte, aucun d'eux n'avait osé l'appeler d'un nom.
 
Sa beauté immatérielle comme de la musique,--d'une sensibilité
aérienne, frôlait leurs nerfs de façon presque impalpable.
Les vibrations qui émanaient d'elle touchaient les êtres qui
l'approchaient, et les faisait un instant résonner à l'unisson.--Elle
les imprégnait d'ondes sensibles que souvent ils dénommaient de l'amour.
 
 
Ses cheveux, fleuve d'oubli, ondoyaient le long d'elle.
 
Ses cheveux, cinglants comme des fouets.
 
Ses cheveux phosphorescents se voyaient dans l'ombre...
 
Des étoiles glissées sur des ténèbres.
 
Ses cheveux suivaient le peigne,--longue gerbe d'étincelles...
 
Ses cheveux, la traîne de sa tête.
 
 
Sa chair,--travesti bien ajusté avec ses ornements.
 
 
 
_Leurs Sommeils._--Ils eurent des nuits comme des mesures pour rien.
 
 
Ses paroles, une poignée de pierreries et de fleurs dans la nuit...
 
La respiration de son aimée: une mer qui atteint sa limite et qui est
faite de vagues égales, avec parfois une vague qui les surpasse.
 
... et des nuits noires plus douces que toutes les nuits blanches.
 
 
Nous traversons la nuit ensemble, dans la belle barque du sommeil. Nos
souffles nous rament à travers le silence, et l'aube nous déposant sur
la plage étale, nous reprenons conscience de l'unité de nos corps--que
les songes avaient joints d'une trame mystérieuse, et que rien ne
semble plus rompre.
 
 
Sommeil: envers d'un brocart colorié sans dessin ni suite, cohérence
d'une journée désorganisée, ou tapisserie à multiples personnages
se déroulant d'un fait unique et empiétant sur les bordures, jeux
enfantins, entrecroisements de fils et de nœuds, et de couleurs, dont
on ne retrouve le dessin qu'en se retournant vers des incidents passés:
pensées ou actes interrompus.
 
Sommeil: abat-jour d'ombres portées.
 
Sommeil: résumé d'un fou, ivre de pavot.
 
 
Ne la quitter qu'à l'aube, lorsque sa chambre semble un grand œuf que
la lumière casse... Puis la triste froideur virginale de mes draps qui
n'ont pas contenu nos corps.
 
Écrit du lit: _Ma Joie, avant que le temps ne t'ait confondue à la
trame de ma vie, je veux fixer l'exagération où je suis: jeter le
long de la route éblouissante d'où je viens, les paroles prises à ton
ivresse, pour que ma pensée puisse revenir à toi... Et s'il est des
heures où, terne jusqu'à l'oubli, je ne puisse t'évoquer ou créer des
circonstances qui l'égalent, ces mots tombés comme de petits cailloux
sur le chemin, où, ivre, je trébuche et danse, serviront peut-être
à mon retour... Mais est-il des retours à la joie? Inimitable même
par le souvenir. Que d'images je garde en moi effacées jusqu'à la
dissemblance, et qui furent comme toi, ma Joie nouvelle, la brûlure et
la clarté de mes heures élues. Le souvenir est peut-être une impiété
faite aux dieux capricieux de la vie: toute intensité puissante va
vers demain; et cependant que tu fus belle, ma Joie de cette nuit,--je
voudrais inoubliablement ni émouvoir de toi!..._
 
«_Désir terrible et doux», phénix que rien ne pourra consumer à cause
de sa diversité et de la force de ses ailes; et qui sait trouver
au-delà de la joie, une joie inattendue, étrange, et qui, à cause de
sa rareté, n'a pas de nom parmi les hommes: évanouissement dans du
ciel, immatérialisation de la sensualité qui plane en nous, sur nous,
autour de nous, comme notre âme. Entendre la voix qu'elle donne à nos
voix, le regard qu'elle donne à nos regards, assister, pâles témoins
de nous-mêmes, absents parfois de nous-mêmes, créateurs, dans l'air
impalpable, de cet enfantement chimérique et miraculeux des songes plus
durables et peut-être plus ressemblants que les générations terrestres.
Nous perpétuons ainsi à travers le monde tangible une race intangible
et cependant réelle--mariages éthérés plus nécessaires et plus féconds
que nos mariages corporels--et dont la génération inépuisable survit à
la mort._
 
L'amour ne peut être stérile. La pensée incarne.
 
Je lève de mes doigts légers les traînes noires de tes paupières.
 
Et tout le jour je regarderai les yeux que je t'aurai faits la nuit.
 
N'allons vers les choses du jour qu'avec le peu d'énergie qu'elles
méritent.
 
Amusés de tout, inquiets de rien: libres.
 
Sa main se courbe dans ma main comme un pétale de rose, contenu par son
pétale le plus proche.
 
Sa voix n'est pas le médium de sa féminité, elle exprime ses contours
extérieurs, en l'entendant parler, les aveugles sauraient qu'elle est
belle.
 
Ses sourires sont les pensées de sa bouche, ses traits ont leurs
pensées spontanées, qui ne vont pas jusqu'au cerveau.
 
 
La survivance gaie de sa voix parmi les petites catastrophes.
 
Sa voix, comme certains baromètres, s'est arrêtée au «beau fixe».
 
Sa voix ne trahit rien, ses paroles non plus, seul son contact
n'échappe pas aux véridiques éloquences.
 
J'ai reçu ses paroles comme une masse d'herbes et de fleurs fraîches au
visage.
 
Sa voix, c'est du beau temps à demeure.
 
 
Son rire fait danser.
 
Son rire c'est la musique de son sourire.
 
Les perles baroques de son rire...
 
 
... Parce que son sang bat, je vis.
 
Ses yeux bleus d'orage.
 
Et l'écho de son pas sonne à l'autre trottoir...
 
 
Larmes anonymes de la pluie.
 
Larmes d'on ne sait qui sur les mains et le visage. Qu'elle se sentait
belle chez lui, hélas! de se retrouver seule avec ses miroirs.
 
Elle porte la moitié d'une rose ... où a-t-elle effeuillé l'autre
moitié.
 
Il faut faire des provisions de chagrin pour que l'heure mauvaise ne
nous trouve pas trop désemparés.
 
 
Nous déferons-nous jamais de l'antique jalousie? L'amour transporté
dans le domaine de la raison ne sera plus que de la physiologie
appliquée?
 
Le roman à venir: Si elle me trompe, c'est que ses viscères avaient
besoin d'un autre aliment.
 
En attendant, sentir ce navrement: à bout de tout, à bout d'amour.
 
Et si ce n'était pas pour ce soir, se sentir navré d'avance pour le soir où cela sera.   

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