2015년 9월 9일 수요일

Pensées d'une amazone 13

Pensées d'une amazone 13


La conjonction physique, qui inquiète tant de physiologistes, semble en
effet essentielle dans les attractions purement animales et la seule
raison d'être des caprices charnels. Il n'est cependant que le détail
dans les grands amours, qui souvent même s'en passe--car leur désir
trouve sa satisfaction non dans un geste mais dans le fait même que
l'être aimé existe. Sa présence est une si fine griserie qu'elle semble
déjà un contact de tout l'être, par des antennes si délicates qu'on y
oublie le plus grossier ajustement physiologique:
 
Transporté par ses sens comme au-delà des sens.
 
Les fiancés épris se regardent dans les yeux et y puisent une volupté
éthérée qui ne semble rien avoir de physique et ils ne s'accouplent
peut-être que lorsqu'ils ne se grisent plus assez autrement. Ainsi, ils
recherchent l'oubli du «Paradis perdu» qui fut un état d'innocence--de
si capiteuse innocence que rien jamais ne pourra y suppléer, ni
l'égaler.
 
Un des rares romans anglais que j'aie lu, et qui m'a découragé d'en
lire d'autres, contient cependant cette déclaration très juste, il me
semble: «_Ce jour-là, ils pensèrent à autre chose qu'à leur amour et ce
fut le commencent de sa fin._»--et sans doute aussi (ce que le roman
anglais tait par pudeur), le jour de leur premier baiser sensuel.
 
Le corps des amants existe l'un pour l'autre afin que leur désir puisse
travailler à sa propre destruction.
 
... «_gestes étranges_
_Que pour tuer l'amour inventent les amants._»
 
(Paul Valéry).
 
Cette destruction n'est qu'une question de temps variable à l'infini,
et c'est peut-être l'appréhension de cette fin qui donne une impression
de honte et de défaite et de faute commise et que dissimule parfois
la joie de l'emprise, à laquelle viennent s'ajouter le plaisir, les
compréhensions physiques, la tendresse et l'habitude, ces formes de la
pitié.
 
L'abstinence libère également le désir et le détourne tôt ou tard.
 
Il se meurt donc également d'abstinence et de satiété, mais il est
préférable que ce soit de satiété? Qu'il soit, est seul essentiel. Les
détails de ses réalisations sont des secrets «d'alcôve» qui ne nous
regardent pas.
 
Je nomme donc amants tous ceux qui, quel que soit leur sexe, s'aiment
d'amour. Qu'ils se soient ou non «possédés» est une affaire de
circonstances, de volonté, de préjugés ou de physiologie.
 
Je le répète, ils sont l'un et l'autre et peuvent être l'un à l'autre
même au delà de ces faits et gestes...
 
La «Vénus terrestre» se différenciait trop de la «Vénus céleste» pour
que les anciens n'eussent pas à blâmer les amours de Bassa, Philaenis,
etc... tout en glorifiant Sappho.
 
Mais des auteurs, tels que Juvénal, Martial, Lucien, ne peuvent
comprendre que la Vénus terrestre--ses jeux sont vraiment bien limités.
Et comment s'intéresser à ses gymnastiques érotiques, à tout ce
mécanisme des viscères qu'ils décrivent?
 
Aimer un corps de tout son corps--sans plus--ne devrait appartenir
qu'au règne animal.
 
Aimer une âme de toute son âme est déjà du règne des esprits, mais que
l'être humain (doué d'un corps et doué d'une âme) aime le corps--de
toute son âme.
 
La Vénus céleste transfigure le corps qu'elle possède. Sous son
influence le langage s'élève et devient rythme: une lyrique brûlure:
_On peut bien dire que les paroles de Sappho sont aussi mêlées de
flamme, et quelle exalte dans ses vers l'ardeur dont elle brûle_»
(Plutarque «De l'Amour»).
 
«_On ne saurait blâmer la charité de Mlle Le Fèvre_ (Aussi de Welcker,
Gorsse, Wilamowitz Moellendorff, Th. Reinach...), _qui a tâché, pour
l'honneur de Sappho, de rendre le fait incertain; mais je la crois trop
raisonnable pour se fâcher que nous en croyions nos propres yeux. L'ode
que Longin a rapportée n'est point du style d'une amie qui écrit à
son amie: tout y sent l'amour de concupiscence sans cela, Longin, cet
habile connaisseur, ne l'eût pas donnée comme un modèle de l'art avec
lequel les grands maîtres peignent les choses; il ne l'eut pas, dis-je,
donné comme un exemple de cet art la manière dont on ramasse dans cette
ode les symptômes de la fureur amoureuse..._
 
«Pierre Bayle, _Dictionnaire critique,_ 1697 (nouvelle édition, 1820,
tome XIII, art. Sappho, p. 94).
 
 
«_Les ouvrages de Sappho ne renferment-ils pas tous les principes de
Socrate sur le sujet de l'amour? Socrate et Sappho me paraissent avoir
dit la même chose, l'un de l'amour des hommes et l'autre de l'amour des
femmes. Ils annoncent qu'ils ont de nombreuses amours et que la beauté
est toujours sûre de les enflammer. Ce qu'Alcibiade, Charmide et Phèdre
sont pour Socrate, Gyrinne, Atthis et Anactorie le sont pour Sappho: et
si Socrate a pour rivaux, sous certain rapport, Prodicos, Gorgias,
Thrasymaque et Protagoras, Sappho a pour rivales Gorgo et Andromède.
Tantôt elle leur fait des reproches, tantôt elle les querelle; tantôt
elle le prend avec elles sur le ton d'ironie qui était si familier à
Socrate. (... «Tu me parais une enfant non encore formée.») Socrate
tourne en ridicule le costume et les attitudes des Sophistes, Sappho
parle d'une «femme vêtue comme une paysanne qui ne sait pas relever sa
robe sur ses chevilles». Sappho marie ces idées en comparant l'amour
à de la douce-amère, à de l'aigre-doux. Socrate traite l'amour de
sophiste. Sappho le traite de conteur. Les transports d'amour de
Socrate pour Phèdre sont des transports de Bacchante; «l'amour agite
l'âme de Sappho comme les vents agitent les chênes des montagnes._»
(Maxime de Tyr).
 
«_Ainsi Sappho réunissait dans sa maison, quelle appelait la_ Maison
amie des Muses _de belles jeunes amies avec lesquelles elle chantait
et auxquelles l'attachait l'amour exalté d'une méridionale au sang
chaud..._» (W. Christ, _Histoire de la littérature grecque_, 1890, p.
128).
 
Havelock Ellis _Cas XIV._ «_Il admet que la promiscuité des écoles,
casernes, bateaux, télégraphes, usines, etc..., tend à développer des
passions qui, si les relations avec des filles et des femmes étaient
plus faciles, prendraient la forme ordinaire._»
 
Clemence Dane attribue leur développement à l'éducation séparée;
elle conclut en faveur de la co-éducation, la co-éducation, tendance
moderne, avec ses avantages et ses désavantages.
 
Mais combien d'enfants élevés dans leur famille avec sœurs, frères et
amis, furent cependant subjugués par ces amours?
 
Ceci arrive aux êtres les plus délicats et les plus gardés, aussi bien
qu'aux êtres les plus libres. Ils ne choisissent pas toujours le sexe
opposé, le dissemblable, ce serait d'une simplicité plus que naturelle.
L'instinct sexuel, trop affiné, perd son influence, dévie, et d'autres
influences prennent sa place.
 
Puis, les enfants sont souvent aussi étrangers à leurs proches qu'à
leurs maîtres d'école; il les craignent également et tout leur
_hero-worship_ se détourne de la famille, ou naturelle ou imposée.
 
Certains d'eux, offusqués par les descriptions chuchotées de la nuit
de noces, de l'enfantement, par cette cohabitation de bébés, tout ce
quotidien de nourrices, de maternités exhibées dans tant de familles
(les femmes en gestation ou en allaitement sont souvent obscènes et
scatologiques), forcent leur sensibilité brutalisée à chercher une
issue qu'elle semble trouver dans l'amour ultra-terrestre de leurs
semblables, car l'attirance adulte ignore généralement ces bases
physiologiques. Si elle s'y soumet, ce n'est que graduellement, sans
viol de ces pudeurs que comportent les unions sanctionnées.
 
Comment inspirer des êtres délicats d'un sens d'imitation pour de
telles inconvenances, car l'être non troublé et chez qui l'instinct est
faible ne peut être que choqué par toute cette répétition de la vie
qu'un aîné contemple. Il devrait en être à mille lieues. Et ces mille
lieux, il les trouve dans un attachement qui le console de tout cet
attirail de nourricerie, auquel il a échappé sans humiliant souvenir.
Il ne veut même pas penser qu'il était ce même nourrisson débordant, de
toute part, qui fait rire les robustes, mais rougir les pudiques.
 
Puis, ce délicat, incompris, même par ses frères et sœurs, devient
cachotier, de plus en plus «pas comme tout le monde». Par une
application à rebours, il tient même à se différencier de ce qui le
révolte, il vit à l'écart.
 
Puis il trouve ou ne trouve pas l'âme sœur, le corps fraternel. Que
d'exemples d'enfants malheureux et hors de l'entourage qu'il leur
faudrait dans la famille ou au pensionnat,--le pensionnat semblerait
les froisser même moins, étant d'une dissemblance plus anonyme.
Ceux-ci, malmenés par les leurs, ont des sensibilités hypertrophiées.
Ils vibrent et ressentent, au lieu de croître lentement. Leurs nerfs
à nu, cordes faussées, répondent cependant au moindre courant; ils
n'existent que par impressionnabilité. Leur être et leur bien être se
transportent du corps au cerveau. Leur émotivité mûrit au détriment de
leur animalité, sans pour cela en faire des hystériques névropathes.
Ils sont tout au plus des artistes, des poètes embryonnaires, des
anormaux tout d'abord, par esprit de contradiction. Ils comprennent
plus tard et tirent de leur mentalité exacerbée des existences
plus remplies de peines et de joies, et d'aventures et de pensées
délicates que bien d'autres. Qu'apportent-ils? A quoi servent-ils?
La nature, prolifique et réitérante à l'origine, produit ensuite et
laisse évoluer une espèce rare, un exemple d'une variété unique et
stérile: un monstre, un étrange chef-d'œuvre. L'être humain n'est-il
pas déjà, vis-à-vis de la nature, un monstre, un chef-d'œuvre. Quel
animal, comme lui, excelle à tuer, sait se servir de ses facultés pour
diversifier, multiplier ses joies?
 
Ils savent cela mieux que personne, mais étant souvent des délicats
trop délicats, ils deviennent hargneux comme les habitants de Capoue
et s'inventent des tortures lorsque la société ne leur en inflige
pas. Médiums qui n'ont plus le choix, ils s'imprègnent sans cesse de
toutes les nuances. Leur plaque sensible, résonnant trop, finit par
être meurtrie et douloureuse, état que le monde vient aggraver par son
opprobre.
   

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