Pensées d'une amazone 26
Seul l'être personnel, peut se ratifier, avouer ou désavouer ses actes,
être en état de pécher contre ce germe de Dieu en lui!
L'être personnel: un dieu en bouture.
Le seul antéchrist, la nature.
Rodin mort ... l'architecture d'orgueil du nez décharné: cet instant le
plus personnel de l'être, après la chair, avant le squelette ... finies
la vie et ses contorsions.
Parchemin des mains, roses des paupières.
Pour tombeau le reste des marbres non travaillés.
Son paon, palette de couleur errante.
Son cygne couché, marbre immaculé, groupement inachevé.
Comment le ciel retient-il la lourdeur de ses nuages: blocs de marbre,
statues de Rodin, tout son atelier devenu plafond, prêt à crouler sur
nos têtes.
Tous ces réfugiés des musées, la plupart malades de froid et
d'humidité, en exil de leurs cieux, et qu'aucun philantrope d'art ne
songe à rapatrier.
Dans le cubisme, l'œil, comme l'estomac, assimile en une seule
digestion ce qui lui fut distribué séparément. Cela se soutient
physiquement; mais une fenêtre ouverte sur notre appareil digestif,
quelque lent qu'il soit, n'est peut-être pas le moment le plus adéquat
pour nous montrer un bon dîner.
DIEUX
Toute l'erreur vient peut-être d'avoir cru que Dieu est bon.
Satan aussi est une «pure présence».
Si des gens «bien pensants» pouvaient être remplacés par des gens
pensant.
«Les pauvres d'esprit verront Dieu», les riches d'esprit seront dieux.
Ceux-là qui n'en contiennent pas en recherchent.
Les prières usent les dieux.
Beaucoup de pèlerins font se rejoindre toutes les routes.
Il n'est pas étonnant que ses adorateurs lui restent fidèles; ils ne le
voient jamais.
Dieu seul a su garder les distances.
Non découragé par l'œuvre médiocre de sa création, il la veut en plus
éternelle.
Puisque Dieu nous supposant las de notre mortalité, nous offre la vie
éternelle, que ne pourrions-nous l'en délasser en l'invitant à partager
notre temporalité.
L'Église a-t-elle songé à aiguiser les joies de ses fidèles en leur
prêchant de n'y point succomber? Que d'amants fourbus aspirent en vain
aux tentations de saint Antoine!
La maladie chasteté.
S'en aller du festin à jeun? ah! la nausée qui monte de leurs estomacs
vides.
Ils sont rongés par leur âme comme des cancéreux.
Ils veulent faire passer pour équitable leurs lois d'intolérance,
fondées sur leur manque d'appétit.--Je n'ai pas faim, tu ne mangeras
donc pas!
Ils usent leurs dents à croquer le vide, puis avec des dents fausses
ils voudraient parfois mordre en cachette à la vie.
Les missionnaires: cannibales spirituels qui enseignent à manger la
chairet à boire le sang de leur Dieu.
L'ermite, ce monarque qui est son sujet et son homme de peine.
Être un conducteur de brebis? Vos bâtons ne sont-ils pas trop beaux
pour leur dos?
Le catholicisme menacé songe même à un retour au christianisme.
Tout leur est bon, même le bon.
Je m'étonne qu'ils limitent leurs pauvres séductions à l'agonie et
qu'ils n'aient pas songé à convertir les morts.
Ces mâles en robes à bavette, ces nourrices des âmes, entourées de
leurs poupées saintes.
Avant la guerre, j'ai vu affiché: Grande baisse de prix sur tous les
objets religieux: Une Immaculée défraîchie: 20 francs--Toute cette
camelote d'église sera-t-elle jamais liquidée?
La guerre est un recul d'où surgira peut-être la renaissance de Dieu.
Leurs affirmations écrasent les vérités.
On peut être convaincu sans croire. «Dieu, je crois, Toi aides mon
incroyance».
Le renoncement: héroïsme de la médiocrité.
Penser profondément, c'est penser de façon anonyme, au-dessous des
couches d'images.
Que l'expérience coûte cher, c'est peut-être sa seule valeur.
Volupté: être infaillible et faillir.
Nous connaissons tous leurs dieux, ils ignorent les nôtres et, ce
qu'ils nomment nos péchés, sont nos dieux, et ce qu'ils nomment leurs
dieux nous sont connus sous d'autres noms.
Elle revient à nous, l'âme toute bariolée de dieux.
Combattre et triompher de ce qui nous rendait heureuses, n'est-ce pas
ce qu'ils appellent être «bienheureuses»?
Halo, auréole, or céleste, couronne immatérielle des rois terribles ou
tendres.
L'art a succédé à la religion pour leur faire négliger la vie.
Cathédrale, squelette de bête antédiluvienne, ossature pétrifiée,
accroupie comme pour bondir de nouveau sur la ville oublieuse de la
grande animalité.
Jéhovah, inconstant, haineux, vengeur--Jéhovah, digne Dieu des hommes.
Les vices ont quelque mérite--les vices seuls ont peut-être quelque
mérite.
Ils ne sont individuels que par leurs défauts.
La Veulerie, l'Hypocrisie, le Devoir, la Pitié, l'Ennui, l'Abstinence,
le Renoncement, ces sept vertus capitales.
Dieu ne dédaigne pas les biens de ce monde. On peut nier son royaume
céleste, mais en voyant tant d'églises, je me rends compte que Dieu est
le plus grand des propriétaires. Et pourra-t-on jamais l'exproprier?
L'éternité, cette perte du temps.
Il y a des vices philanthropiques: la Veuve de l'Évangile qui dépouille
ses enfants pour donner à une charité anonyme, est approuvée du Christ
et dangereusement mise à la mode.
L'excès et l'ascétisme, l'alcool et l'abstinence mènent également à
Dieu.
C'est Épicure, et non Zénon, qui me semble le plus grand stoïcien: être
stoïque, c'est être.
--Épicure, cher économiste de la sensualité.
Ne sentent-ils pas dans sa vie, dans l'indépendance de sa vie, ses
raffinements, ses opulences, dans ses péchés et ses cruautés une grande
vertu: combien il faut de sacrifices pour devenir soi.
Qu'il y a peu de bons travailleurs d'eux-mêmes.
Être son milieu.
Quel port de tête, et quelle tête digne d'être portée!
Le plaisir physique expulse nos démons, ou lorsqu'il opère mal, les
intensifie.
J'aime les humains, mais seulement un à la fois.
L'humanité, comme les chœurs d'opéra, sera toujours au deuxième plan.
Je ne puis chanter qu'à l'unisson d'une voix, tout en moi se tait
lorsque j'écoute, ou parle, à plusieurs êtres. Je suis monocorde.
Encore moins que l'amour à plusieurs, je ne puis comprendre la parole à
plusieurs.
Je crois à l'accouplement cérébral comme à l'autre accouplement. Il
ne peut se produire qu'à deux ou si c'est seul, entouré d'esprits
réceptifs. Le Banquet de Platon, cette orchestration de divers esprits,
mis en accord ou en désaccord par un thème qui les parcourt, semble
exister au détriment de la résonnance qui ne peut atteindre ainsi toute l'ampleur de ses vibrations.
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