The Casement Report 2
La note Anglaise remarque que c’est en ces dernières années qu’a pris
consistance la campagne menée en Angleterre contre l’État du Congo, sous
le double prétexte de mauvais traitements des natifs et de l’existence
de monopoles commerciaux.
Il est à remarquer, en effet, que cette campagne date du jour où la
prospérité de l’État s’affirma. L’État se trouvait fondé depuis des
années et administré comme il l’est aujourd’hui, ses principes sur la
domanialité des terres vacantes, l’organisation et le recrutement de sa
force armée étaient connus et publics, sans que ces philanthropes et ces
commerçants, de l’opinion desquels fait état le début de la note, s’en
montrassent préoccupés. C’était l’époque où le Budget de l’État ne
pouvait s’équilibrer que grâce aux subsides du Roi-Souverain et aux
avances de la Belgique, et où le mouvement commercial du Congo
n’attirait pas l’attention. On ne trouve le terme “the Congo atrocities”
utilisé alors qu’à propos de “the alleged ill-treatment of African
natives by English and other adventurers in the Congo Free State.”[2] A
partir de 1895, le commerce de l’État du Congo prend un essor marqué, et
le chiffre des exportations monte progressivement de 10 millions en 1895
à 50 millions en 1902. C’est aussi à partir d’alors que le mouvement
contre l’État du Congo se dessine. Au fur et à mesure que l’État
affirmera davantage sa vitalité et ses progrès, la campagne ira
s’accentuant, s’appuyant sur quelques cas particuliers et isolés pour
invoquer des prétextes d’humanité et dissimuler le véritable objectif
des convoitises qui, dans leur impatience, se sont cependant trahies
sous la plume des pamphlétaires et par la voix de membres de la Chambre
des Communes, mettant nettement en avant la disparition et le partage de
l’État du Congo.
Il fallait, dans ce but, dresser contre l’État toute une liste de chefs
d’accusation. Dans l’ordre humanitaire, on a repris, pour les rééditer à
l’infini, les cas allégués de violences contre les indigènes. Car, dans
cette multitude de “meetings,” d’écrits, de discours, dirigés ces
derniers temps contre l’État, ce sont toujours les mêmes faits affirmés
et les mêmes témoignages produits. Dans l’ordre économique, on a accusé
l’État de violation de l’Acte de Berlin, nonobstant les considérations
juridiques des hommes de loi les plus autorisés qui justifient, à toute
évidence de droit, son régime commercial et son système foncier. Dans
l’ordre politique, on a imaginé cette hérésie en droit international
d’un État, dont l’indépendance et la souveraineté sont entières, qui
relèverait d’ingérences étrangères.
En ce qui concerne les actes de mauvais traitement à l’égard des natifs,
nous attachons surtout de l’importance à ceux qui, d’après la note, ont
été consignés dans les dépêches des Agents Consulaires de Sa Majesté. A
la séance de la Chambre des Communes du 11 Mars, 1903, Lord Cranborne
s’était déjà référé à ces documents officiels, et nous avons demandé à
son Excellence Sir C. Phipps que le Gouvernement Britannique voulût bien
nous donner connaissance des faits dont il s’agissait. Nous réitérons
cette demande.
Le Gouvernement de l’État n’a jamais d’ailleurs nié que des crimes et
délits se commissent au Congo, comme en tout autre pays ou toute autre
Colonie. La note reconnaît elle-même que ces faits délictueux ont été
déférés aux Tribunaux et que leurs auteurs ont été punis. La conclusion
à en tirer est que l’État remplit sa mission; la conclusion que l’on en
déduit est que “many individual instances of cruelty have taken place in
the Congo State” et que “the number of convictions falls considerably
short of the number of actual offences committed.” Cette déduction ne
paraît pas nécessairement indiquée. Il semble plus logique de dire que
les condamnations sévères prononcées seront d’un salutaire exemple et
qu’on peut en espérer une diminution de la criminalité. Que si
effectivement des actes délictueux, sur les territoires étendus de
l’État, ont échappé à la vigilance de l’autorité judiciaire, cette
circonstance ne serait pas spéciale à l’État du Congo.
La note Anglaise procède surtout par hypothèses et par suppositions: “It
was alleged.... It is reported.... It is also reported....” et elle en
arrive à dire que “His Majesty’s Government do not know precisely to
what extent these accusations may be true.” C’est la constatation que,
aux yeux du Gouvernement Britannique lui-même, les accusations dont il
s’agit ne sont ni établies ni prouvées. Et, en effet, la violence, la
passion et l’invraisemblance de nombre de ces accusations les rendent
suspectes aux esprits impartiaux. Pour n’en donner qu’un exemple, on a
fait grand état de cette allégation que, sur un train descendant de
Léopoldville à Matadi, trois wagons étaient remplis d’esclaves, dont une
douzaine étaient enchaînés, sous la garde de soldats. Des renseignements
ont été demandés au Gouverneur-Général. Il répond: “Les individus
représentés comme composant un convoi d’esclaves étaient, pour la plus
grande majorité (125), des miliciens dirigés du district de
Lualaba-Kassaï, du Lac Léopold II et des Bangalas, sur le camp du
Bas-Congo. Vous trouverez annexés les états relatifs à ces individus.
Quant aux hommes enchaînés, ils constituaient un groupe d’individus
condamnés par le Tribunal territorial de Basoko et qui venaient purger
leur peine à la maison centrale de Boma. Ce sont les numéros 3642 à 3649
du registre d’écrou de la prison de Boma.”
C’est ainsi encore qu’une “interview” toute récente, reproduisant les
accusations coutumières de cruauté, est due à un ancien agent de l’Etat
“déclaré impropre au service,” et qui n’a pas vu accepter par l’État sa
proposition d’écrire dans la presse des articles favorables à
l’Administration.
La note ignore les réponses, démentis, ou rectifications qu’ont amenés,
dans les différents temps où elles se sont produites, les attaques
contre les Agents de l’État. Elle ignore les déclarations officielles
qu’en Juin dernier, le Gouvernement de l’État fit publiquement à la
suite des débats du 20 Mai à la Chambre des Communes, débats annexés à
la note. Nous annexons ici le texte de ces déclarations, qui ont, par
avance, rencontré les considérations de la dépêche du 8 Août.
Le seul grief nouveau qu’elle énonce--en vue sans doute d’expliquer ce
fait non sans importance, que le Consul Anglais qui a résidé au Congo
depuis 1901 ne paraît pas appuyer de son autorité personnelle les
dénonciations de particuliers--c’est que cet Agent aurait été
“principally occupied in the investigation of complaints preferred by
British subjects.” L’impression en résulterait que de telles plaintes
auraient été exceptionnellement nombreuses. Sans aucun doute, le Consul,
en diverses occasions, s’est mis en rapport avec l’Administration de
Boma dans l’intérêt de ses ressortissants, mais il ne paraît pas que ces
affaires, si l’on en juge par celles d’entre elles dont a eu à s’occuper
la Légation d’Angleterre auprès du Gouvernement Central à Bruxelles,
soient autres, par leur nombre ou leur importance, que celles de la vie
administrative courante: des cas ont notamment visé le règlement de
successions délaissées au Congo par des ressortissants Anglais;
quelques-uns ont eu pour objet la réparation d’erreurs de procédure
judiciaire comme il s’en produit ailleurs, et il n’est pas avancé que
ces réclamations n’ont pas reçu la suite qu’elles comportaient. Le même
Consul, dont la nomination remonte à 1898, écrivait le 2 Juillet, 1901,
au Gouverneur-Général:--
“I pray believe me when I express now, not only for myself, but for my
fellow-countrymen in this part of Africa, our very sincere appreciation
of your efforts on behalf of the general community--efforts to promote
goodwill among all and to bring together the various elements of our
local life.”
Les prédécesseurs de Mr. R. Casement--car des Consuls Anglais avec
juridiction sur le Congo ont été appointés par le Gouvernement de Sa
Majesté depuis 1888--ne paraissent pas davantage avoir été absorbés par
l’examen de plaintes multiples; tout au moins une telle appréciation ne
se trouve pas consignée dans le Rapport, le seul publié, de M. le Consul
Pickersgill, qui, par le fait qu’il rend compte de son voyage à
l’intérieur du Congo, jusqu’aux Stanley Falls, dément cette sorte
d’impossibilité, pour les Agents Consulaires Anglais, d’apprécier _de
visu_ toute partie quelconque de leur juridiction.
Comme allégations contre le système d’administration de l’État, la note
vise les impôts, la force publique et ce qu’on appelle le travail forcé.
Au fond, c’est la contribution de l’indigène du Congo aux charges
publiques que l’on critique, comme s’il existait un seul pays ou une
seule Colonie où l’habitant, sous une forme ou sous une autre, ne
participe pas à ces charges. On ne conçoit pas un État sans ressources.
Sur quel fondement légitime pourrait-on baser l’exemption de tout impôt
pour les indigènes, alors qu’ils sont les premiers à bénéficier des
avantages d’ordre matériel et moral introduits en Afrique? A défaut de
numéraire, il leur est demandé une contribution en travail. D’autres ont
dit la nécessité, pour sauver l’Afrique de sa barbarie, d’amener le noir
à la compréhension du travail, précisément par l’obligation de
l’impôt:--
“It is a question (of native labour) which has engaged my most careful
attention in connection with West Africa and other Colonies. To listen
to the right honourable gentleman, you would almost think that it would
be a good thing for the native to be idle. I think it is a good thing
for him to be industrious; and by every means in our power, we must
teach him to work.... No people ever have lived in the world’s history
who would not work. In the interests of the natives all over Africa, we
have to teach them to work.”
Ainsi s’exprimait Mr. Chamberlain à la Chambre des Communes, le 6 Août,
1901. Et récemment, il disait:--
“We are all of us taxed, and taxed heavily. Is that a system of forced
labour?... To say that because we put a tax on the native therefore he
is reduced to a condition of servitude and of forced labour is, to my
mind, absolutely ridiculous.... It is perfectly fair to my mind that the
native should contribute something towards the cost of administering
the country.” (House of Commons, the 9th March, 1903.)
“If that really is the last word of civilization, if we are to proceed
on the assumption that the nearer the native or any human being comes to
a pig the more desirable is his condition, of course I have nothing to
say.... I must continue to believe that, at all events, the progress of
the native in civilization will not be secured until he has been
convinced of the necessity and the dignity of labour. Therefore, I think
that anything we reasonably can do to induce the native to labour is a desirable thing.”
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