2015년 11월 30일 월요일

The Casement Report 40

The Casement Report 40



“Les natifs du Congo qui nous entouraient étaient méprisables, perfides,
et cruels, impudemment menteurs, malhonnêtes et vils.”
 
Et le fait n’est pas non plus sans importance,--si l’on veut exactement
se rendre compte de la valeur des témoignages,--de la présence aux côtés
de Mr. Casement, qui interrogeait les indigènes, de deux missionnaires
Protestants Anglais de la région, présence qui, à elle seule, a dû
nécessairement orienter les dépositions.[40]
 
Nous dépasserions nous-mêmes la mesure si, de ce qui précède, nous
concluions au rejet en bloc de toutes les informations indigènes
enregistrées par le Consul. Mais il en ressort à l’évidence qu’une telle
documentation est insuffisante pour asseoir un jugement fondé, et que
ces informations obligent à une vérification minutieuse et impartiale.
 
Que si l’on dégage du volumineux Rapport du Consul, les autres cas qu’il
_a vus_ et qu’il enregistre comme des cas de mutilation, on constate
qu’il en cite deux comme s’étant produits au Lac Matumba[41] “il y a
plusieurs années.”[42] Il en cite quelques autres--sur le nombre
desquels les renseignements du Rapport ne semblent pas être
concordants[43]--qu’il renseigne comme ayant été commis dans les
environs de Bonginda,[44] précisément en cette région où s’est placée
l’enquête Epondo et où, comme on l’a vu, les esprits étaient montés et
influencés. Ce sont ces affaires que, dit-il, il n’a pas eu le temps
d’approfondir,[45] et qui, au dire des indigènes, étaient imputables aux
agents de la Société “La Lulanga.” Étaient-ce là des victimes de la
pratique de coutumes indigènes, que les natifs se seraient bien gardés
d’avouer? Les blessures constatées par le Consul étaient-elles dues à
l’une ou l’autre lutte intestine entre villages ou tribus? Ou bien
était-ce réellement le fait de sous-ordres noirs de la Société? On ne
saurait se prononcer à la lecture du Rapport, les indigènes, ici comme
toujours, étant la seule source d’informations du Consul et celui-ci
s’étant borné à prendre rapidement note de leurs multiples affirmations
en quelques heures de la matinée du 5 Septembre, pressé qu’il était par
le temps “to reach K* (Bossunguma) at a reasonable hour.”[46]
 
Nonobstant la considération qu’il attache à “l’air de franchise” et “à
l’air de conviction et de sincérité”[47] des indigènes, l’expérience
faite par lui-même commande incontestablement la prudence et rend
téméraire son appréciation: “qu’il était clair que ces hommes
déclaraient soit ce qu’ils avaient réellement vu de leurs yeux, soit ce
qu’ils pensaient fermement dans leurs cœurs.”[48]
 
Toutefois, il suffit que soient signalés ces quelques faits, actes de
cruauté ou non, auxquels se réduisent en définitive ceux constatés
personnellement par le Consul, sans qu’il puisse à suffisance de preuve
en établir les causes réelles, pour que l’autorité doive y porter son
attention et pour que des enquêtes soient ordonnées à leur sujet. A cet
égard, le regret doit être exprimé de ce que l’exemplaire du Rapport,
communiqué au Gouvernement de l’État Indépendant du Congo, ait
systématiquement omis toute indication de date, de lieu, de noms. Il
n’est pas à méconnaître que ces suppressions rendront excessivement
malaisée la tâche des Magistrats Instructeurs, et, dans l’intérêt de la
manifestation de la vérité, le Gouvernement du Congo formule le vœu
d’être mis en possession du texte complet du Rapport du Consul.
 
On ne s’étonnera pas si le Gouvernement de l’État du Congo s’élève, en
cette occasion, contre le procédé de ses détracteurs, mettant dans le
domaine public la reproduction de photographies d’indigènes mutilés, et
créant cette odieuse légende de mains coupées à la connaissance ou même
à l’instigation des Belges en Afrique. C’est ainsi que la photographie
d’Epondo, estropié dans les conditions que l’on sait, et qui “a été deux
fois photographié,” est probablement une de celles circulant dans les
pamphlets Anglais comme preuve de l’exécrable administration des Belges
en Afrique. On a vu une revue Anglaise reproduisant la photographie d’un
“cannibale entouré des crânes de ses victimes,” et la légende portait:
“In the original photograph, the cannibal was naked. The artist has made
him decent by ... covering his breast with the star of the Congo State.
It is now a suggestive emblem of the Christian veneered cannibalism on
the Congo.”[49] A ce compte, il suffirait, pour jeter le discrédit sur
l’Administration de l’Uganda, de mettre dans la circulation des clichés
reproduisant les mutilations dont le Dr. Castellani dit, dans une
lettre datée d’Uganda, du 16 Décembre, 1902, avoir constaté l’existence
aux environs mêmes d’Entebbe: “Il n’est pas difficile d’y rencontrer des
indigènes sans nez, sans oreilles, &c.”[50]
 
C’est dire que dans l’Uganda comme au Congo, les indigènes sacrifient
encore à leurs instincts sauvages. Mr. Casement a prévu l’objection en
affirmant:--
 
“It was not a native custom prior to the coming of the white man;
it was not the outcome of the primitive instincts of savages in
their fights between village and village; it was the deliberate act
of soldiers of a European Administration, and these men themselves
never made any concealment that in committing these acts they were
but obeying the positive orders of their superiors.”[51]
 
L’articulation d’une aussi grave accusation, sans qu’elle soit en même
temps étayée sur des preuves irréfragables, semble donner raison à ceux
qui pensent que les emplois antérieurs de Mr. Casement ne l’avaient pas
préparé entièrement aux fonctions Consulaires. Mr. Casement est resté
dix-sept jours au Lac Mantumba, un lac, dit de 25 à 30 milles de long et
de 12 ou 15 milles de large, entouré d’épaisses forêts.[52] Il ne s’est
guère éloigné de la rive. On ne voit pas dès lors quelles investigations
utiles il a pu faire sur les mœurs d’autrefois et les habitudes
anciennes des populations. La constatation que ces tribus sont encore
très sauvages et adonnées au cannibalisme[53] permet de croire, au
contraire, qu’elles n’étaient pas exemptes de la pratique de ces actes
cruels qui, d’une manière générale en Afrique, étaient le cortège
habituel de la barbarie des mœurs et de l’anthropophagie. Dans une
partie des régions que le Consul a visitées, les témoignages des
missionnaires Anglais ne sont à cet égard que trop instructifs. Le
Révérend McKittrick, parlant des luttes meurtrières entre indigènes, dit
ses efforts d’autrefois auprès des Chefs pour pacifier la contrée: “
...Nous leur dîmes qu’à l’avenir nous ne laisserions plus passer par
notre station aucun homme armé de lance ou de couteau. Notre Dieu était
un Dieu de paix, et nous, ses enfants, nous ne pouvions supporter de
voir nos frères noirs se couper et se blesser l’un l’autre (cutting and
stabbing each other).”[54] “Lorsque j’allais çà et là dans la rivière,
dit un autre missionnaire, on me montrait les endroits de la rive d’où
avaient coutume de partir les guerriers pour capturer les canots et les
hommes. Il était affligeant d’entendre décrire les terribles massacres
qui avaient lieu d’habitude à la mort d’un grand Chef. Un trou profond
était creusé en terre, où des vingtaines d’esclaves jetés après que
leurs têtes avaient été coupées (after having their heads cut off), et
sur cette horrible pile, on plaçait le cadavre du Chef couronnant ce
carnage humain indescriptible.”[55] Et les missionnaires constatent
combien encore en ces jours actuels les indigènes reviennent aisément à
leurs anciennes coutumes. Il apparaît aussi que cette autre affirmation
du Rapport[56] qu’à la différence d’aujourd’hui, les indigènes autrefois
ne s’enfuyaient pas à l’approche d’un steamer, n’est pas d’accord avec
les récits des voyageurs et explorateurs.
 
Il est, en tout cas, à remarquer que le Consul n’a constaté dans le
territoire où s’exerce l’activité de la Société A.B.I.R. aucun de ces
faits de cruauté qui eût pu être représenté comme imputable aux agents
commerciaux. La coïncidence est à relever, puisque la Société A.B.I.R.
est précisément une Compagnie à Concession et qu’on ne cesse d’attribuer
au régime des Concessions les conséquences les plus désastreuses pour
les indigènes.
 
Ce qui domine les innombrables questions touchées par le Consul et la
multiplicité des menus faits qu’il a recueillis, c’est de savoir si
vraiment cette sorte de tableau d’une existence misérable, qui serait
celle des indigènes, répond à la réalité des choses. Nous prendrons pour
exemple la région de la Lulanga et du Lopori, parce que là se trouvent,
depuis des années, des centres de Missions de la “Congo Balobo Mission.”
Ces missionnaires y sont établis en des endroits les plus distants et
les plus intérieurs: à Lulonga, Bonginda, Ikau, Bougandanga, et Baringa,
tous points situés dans la région où opèrent la Société “La Lulonga” et
la Société A.B.I.R. Ils sont en contact suivi avec les populations
indigènes, et une revue spéciale mensuelle, “Regions Beyond,” publie
régulièrement leurs lettres, notes, et rapports. Que l’on parcoure la
collection de ce recueil; nulle part, à aucun moment avant Avril 1903--à
cette dernière date, la motion de Mr. Herbert Samuel était, il est vrai,
annoncée au Parlement--on ne trouve trace d’une appréciation quelconque
signalant ou révélant que la situation générale des populations
indigènes dût être dénoncée au monde civilisé. Les missionnaires s’y
félicitent de la sympathie active des agents, officiels, et commerciaux
à leur égard,[57] des progrès de leur œuvre d’évangélisation,[58] des
facilités que leur apporte la création de routes,[59] de la pacification
des mœurs, “dû à la fois aux missionnaires et aux commerçants,”[60]
de la disparition de l’esclavage,[61] de la densité de la
population,[62] du nombre grandissant de leurs élèves, “grâce à l’État,
qui a donné des ordres pour que les enfants fussent menés à
l’école,”[63] de la disparition graduelle des pratiques indigènes
primitives,[64] du contraste enfin entre le présent et le passé.[65]
Admettra-t-on que ces missionnaires Chrétiens et Anglais, qui, au cours
de leurs itinéraires, visitaient les postes de factorerie et étaient
témoins des marchés de caoutchouc, se seraient rendus complices par leur
silence d’un régime inhumain ou tortionnaire? Un des Rapports annuels de
la “Congo Bolobo Mission” dit dans ses conclusions: “Dans l’ensemble, le
coup d’œil rétrospectif est encourageant. S’il n’y a pas eu une
avance considérable, il n’y a pas eu de triste déception, et il n’est
aucune opposition définitive à l’œuvre.... Il y a eu de la disette et
des maladies parmi les natifs, notamment à Bonginda.... A part cela, il
n’y a pas eu de sérieux empêchements au progrès....”[66] Et, parlant
incidemment des effets bienfaisants du travail sur l’état social des
indigènes, un missionnaire écrit: “The greatest obstacle to conversion
is polygamy. Many evils have been put down, _e.g._, idleness, thanks to
the State having compelled the men to work; and fighting, through their
not having time enough to fight.”[67] Ces appréciations des
missionnaires nous paraissent plus précises que les données d’un Rapport
à chaque page duquel, pour ainsi dire, on lit: “I was told;” “it was
said;” “I was informed;” “I was assured;” “They said;” “it was alleged;”
“I had no means of verifying;” “It was impossible to me to verify;” “I
have no means of ascertaining,” &c. En dix lignes, par exemple, on
rencontre quatre fois l’__EXPRESSION__: “appears;” “would seem;” “would
seem;” “do not seem.”[68]
 
Le Consul ne semble pas s’être rendu compte que c’est le travail qui
constitue l’impôt indigène au Congo, et que cette forme d’impôt se
justifie autant par son caractère moralisateur que par l’impossibilité
de taxer autrement l’indigène, en raison même du fait, constaté par le
Consul, que l’indigène n’a pas de numéraire. Cette dernière
considération fait, pour en donner un autre exemple, que sur 56,700
huttes imposées dans la North-Eastern Rhodesia, 19,653 payent la taxe
“in labour” et 4,938 la payent “in produce.”[69] Que ce travail soit
fourni directement à l’État ou à telle ou telle entreprise privée, qu’il
soit adapté, selon les possibilités locales, à telles prestations ou à
telles autres, sa justification a toujours l’une de ses bases dans ce
que le Mémorandum du 11 Février dernier reconnaît être la “necessity of
the natives being induced to work.” Le Consul s’inquiète surtout de la
qualification à donner à la fourniture du travail; il s’étonne, si c’est
là un impôt de ce que cet impôt soit payé et recouvrable parfois par des
agents commerciaux. Dans la rigueur des principes, il est à reconnaître,
en effet, que la rémunération d’un impôt heurte les notions fiscales
ordinaires; elle s’explique cependant en fait si l’on songe qu’il s’est
agi de faire contracter l’habitude de travail à des indigènes qui y ont
été réfractaires de tout temps. Et si cette idée du travail peut être
plus aisément inculquée aux natifs sous la forme de transactions
commerciales entre eux et des particuliers, faut-il nécessairement
condamner ce mode d’action, notamment dans des régions dont
l’organisation administrative n’est pas complétée? Mais il s’impose que,
dans leurs rapports de cet ordre avec les indigènes, les agents
commerciaux, comme d’ailleurs les agents de l’État eux-mêmes,
s’inspirent de pratiques bienveillantes et humaines. A cet égard, les
éléments que fournit le Rapport du Consul seront l’objet d’une étude
approfondie, et si le résultat de cet examen révélait des abus réels ou
commandait des réformes, l’Administration supérieure agirait comme
l’exigeraient les circonstances.
 
Nul n’a jamais pensé, d’ailleurs, que le régime fiscal au Congo eût
atteint d’emblée la perfection, notamment au point de vue de l’assiette
de l’impôt et des moyens de recouvrement. Le système des “chefferies,”
bon en soi en ce qu’il place entre l’autorité et l’indigène
l’intermédiaire de son chef naturel, procédait d’une idée mise en
pratique ailleurs:--
 
“The more important Chiefs who helped the Administration have been
paid a certain percentage of the taxes collected in their districts, and I think that if this policy is adhered to each year, the results will continue to be satisfactory and will encourage the Chiefs to work in harmony with the Administration.”

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