The Casement Report 39
“_D._ Persistez-vous à accuser Kelengo de vous avoir coupé la main
gauche?
“_R._ Non; j’ai menti.
“_D._ Racontez alors comment et quand vous avez perdu la main.
“_R._ J’étais esclave de Monkekola, à Malele, dans le district des
Bangala. Un jour, j’allai avec lui à la chasse au sanglier. Il en
blessa un avec une lance, et alors la bête, devenue furieuse,
m’attaqua. Je tâchai de me sauver avec la suite, mais je tombai; le
sanglier fut bientôt sur moi, m’arrachant la main gauche, au ventre
et à la hanche gauche. Le comparant montre les cicatrices aux
endroits désignés, et spontanément se met par terre pour faire voir
dans quelle position il se trouvait lorsqu’il fut attaqué et blessé
par le sanglier.
“_D._ Depuis combien de temps cet accident vous est-il arrivé?
“_R._ Je ne me rappelle pas. C’est depuis longtemps.
“_D._ Pourquoi alors aviez-vous accusé Kalengo?
“_R._ Parce que Momaketa, un des Chefs de Bossunguma, me l’a dit,
et après tous les habitants de mon village me l’ont répété.
* * * * *
“_D._ Les Anglais vous ont-ils photographié?
“_R._ Oui, à Bonginda et à Lulanga. Ils m’ont dit de mettre bien en
évidence le moignon. Il y avait Nenele, Mongongolo, Torongo, et
autres blancs, dont je ne connais pas les noms. Ils étaient les
blancs de Lulanga. Mongongolo a porté avec lui six
photographies.”[33]
Epondo a réitéré ses déclarations et rétractations spontanément à un
missionnaire Protestant, M. Faris, résidant à Bolengi. Ce Révérend a
remis au Commissaire-Général de Coquilhatville la déclaration écrite
suivante:--
“Je soussigné E.-E. Faris, missionnaire, résidant à Bolengi,
Haut-Congo, déclare que j’ai interrogé l’enfant Epondo, du village
de Bosongoma, qui a été chez moi le 10 Septembre, 1903, avec Mr.
Casement, le Consul d’Angleterre, et que j’ai mené à la Mission de
Bolengi, le 16 Octobre, 1903, selon la requête de M. le Commandant
Stevens, de Coquilhatville, et que le dit enfant m’a dit
aujourd’hui, le 17 Octobre, 1903, qu’il a perdu sa main par la
morsure d’an sanglier.
“Il m’a dit également qu’il a informé Mr. Casement que sa main a
été coupé par un soldat, ou bien d’un des travailleurs de blancs,
qui ont fait la guerre dans son village pour faire apporter le
caoutchouc, mais il affirme que cette dernière histoire qu’il m’a
dite aujourd’hui est la vérité.
“E.-E. FARIS.
“A Bolengi, le 17 Octobre, 1903.”
L’enquête aboutit à une ordonnance de non-lieu ainsi motivée en ce qui
concerne le cas Epondo:--
“Nous, Substitut du Procureur d’État près le Tribunal de
Coquilhatville;
“Vu les notes rédigées par le Consul de Sa Majesté Britannique, à
l’occasion de sa visite aux villages d’Ikandja et Bossunguma, dans
la région des Ngombe, d’où résulte que le nommé Kelengo, garde
forestier au service de la Société ‘La Lulonga,’ aurait--
“(_a._) Coupé ..., la main gauche au nommé Epondo.
“(_b._)....
“(_c._)....
“Vu l’enquête faite par M. le Lieutenant Braeckman, confirmant en
partie l’enquête faite par le Consul de Sa Majesté Britannique,
mais le contredisant en partie, et ajoutant aux accusations
précédemment faites à Kelengo, celle d’avoir tué un indigène nommé
Baluwa;
“Vu les conclusions posées par cet officier de police judiciaire
tendant à faire naître des soupçons assez graves sur la vérité de
toutes ces accusations;
“Attendu que tous les indigènes qui ont accusé Kelengo, soit au
Consul de Sa Majesté Britannique, soit au Lieutenant Braeckman,
convoqués par nous, Substitut, ont pris la fuite, et tout les
efforts faits pour les retrouver n’ont abouti à aucun résultat; que
cette fuite discrédite évidemment leurs affirmations;
“Que tous les témoins interrogés dans notre enquête attestent ...
qu’Epondo a perdu la main gauche parce qu’un sanglier la lui a
arrachée ...;
“Qu’Epondo confirme ces attestations, avouant qu’il a menti par
suggestion des indigènes de Bossunguma et Ikondja, qui espéraient
de se soustraire à la récolte du caoutchouc moyennant
l’intervention du Consul de Sa Majesté Britannique, qu’ils
jugeaient très puissant;
“Que les témoins, presque tous indigènes des villages accusateurs,
confirment que tel fut le but de leur mensonge;
“Que cette version, indépendamment de l’unanimité des affirmations
des témoins et des parties lésées, se présente aussi comme la plus
plausible, parce que personne n’ignore, soit la répugnance des
indigènes pour le travail en général et la récolte du caoutchouc,
soit leur facilité à mentir et à porter de fausses accusations;
“Qu’elle est confirmée par l’opinion, nettement formulée, du
missionnaire Anglais Armstrong, qui retient les indigènes ‘capables
de tout complot pour éviter de travailler, et surtout de faire le
caoutchouc’;
“Que l’innocence de Kelengo étant complètement prouvée, il n’y a
pas lieu à le poursuivre;
“Par ces motifs:
“Nous, Substitut, déclarons non-lieu à poursuivre le nommé Kelengo,
garde forestier au service de la Société ‘La Lulonga,’ pour les crimes
prévus par les Articles 2, 5, 11, 19 du Code Pénal.
Le Substitut,
(Signé) BOSCO.
“Mampoko, le 9 Octobre, 1903.”
Si nous avons insisté sur les détails de cette affaire, c’est qu’elle
est considérée par le Consul lui-même comme d’une importance capitale et
qu’il se base sur ce seul cas pour conclure à l’exactitude de toutes les
autres déclarations d’indigènes qu’il a recueillies.
“Dans le seul cas sur lequel j’ai pu enquêter personnellement,
dit-il[34]--celui de l’enfant II--j’ai trouvé cette accusation
établie sur les lieux, sans apparemment une ombre de doute quant à
la culpabilité de la sentinelle accusée.”
Et plus loin:--
“Dans le village de R*, j’ai eu seulement le temps de faire enquête
sur l’accusation faite par II.”[35]
Et ailleurs:--
“Il était évidemment impossible que je puisse ... vérifier sur
place, comme dans le cas de l’enfant, les déclarations que me
firent les indigènes. Dans ce seul cas, la vérité des accusations
fut amplement démontrée.”[36]
C’est aussi à propos de cette affaire que, dans sa lettre du 12
Septembre, 1903, au Gouverneur-Général, il disait:--
“When speaking to M. le Commandant Stevens at Coquilhatville on the
10th instant, _when the mutilated boy Epondo stood before us as
evidence of the deplorable state of affairs_ I reprobated, I said:
‘I do not accuse an individual, I accuse a system.’”
La réflexion s’impose que si les autres informations du Rapport du
Consul ont toutes la même valeur que celles qui lui ont été fournies
dans cette seule espèce, elles ne peuvent, à aucun degré, être
considérées comme probantes. Et il saute aux yeux que dans les autres
cas où le Consul, de sa propre déclaration, ne s’est livré à aucune
vérification des affirmations des indigènes, ces affirmations ont moins
de poids encore, si possible.
Il faut reconnaître, sans doute, que le Consul s’exposait délibérément à
d’inévitables mécomptes, de par sa manière d’interroger les
indigènes,--ce qu’il faisait, en effet, à l’aide de deux interprètes:
“par l’intermédiaire de Vinda, parlant en Bobangi, et de Bateko,
répétant ses paroles dans le dialecte local,”[37] de sorte que le Consul
était à la merci non seulement de la sincérité de l’indigène interrogé,
mais encore de la fidélité de traduction de deux autres indigènes, dont
l’un, d’ailleurs, était un de ses serviteurs, et dont l’autre,
semble-t-il, était l’interprète des missionnaires.[38] Quiconque s’est
trouvé en contact avec l’indigène sait cependant son habitude du mensonge: le Révérend C. H. Harvey constatait:
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